De la nature du Conseil Constitutionnel
Samedi 18 novembre 2017, par ,
Abrogation de la taxe sur les dividendes ou le choix de la rente contre le travail
Par un arrêt, en date du 7 juillet 2017, le Conseil d’État a décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 235 ter ZCA du CGI ! C’est-à-dire que le Conseil d’État décide, sitôt Macron élu, de remettre en cause l’article 6 de la loi de finances du 16 août 2012, mettant en place une taxe de 3% pour limiter les versements de dividendes.
Précédant le Conseil d’État, la Cour de Justice Européenne en avait jugé ainsi, dans le cadre d’un contentieux avec la société Layer. Cette dernière avait soutenu que le fait de réserver cette exonération aux seules sociétés bénéficiant du régime de l’intégration fiscale méconnaissait les principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques, découlant des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 . Rien que ça ! Du coup, le Conseil d’Etat avait jugé qu’il y avait lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution des mots. Car, selon le Conseil d’Etat, « il en résulte une méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques. » Mais faut-il préciser qu’à l’origine de toute cette comédie, début 2015, c’est la Commission européenne qui avait engagé une procédure d’infraction contre la France ! Pour être suivie, en juin 2016, par le Conseil d’État, etc.
Bien sûr, l’ensemble de ces nobles institutions pourrait demander qu’il n’y ait pas de différences de traitement entre les sociétés mères, selon que les bénéfices qu’elles redistribuent proviennent ou non de filiales relevant du régime mère-fille. Et la différence supprimée, la taxe de 3% devient conforme aux articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 ! Mais dans le libéralisme totalitaire et inégalitaire, il faut accorder plus de privilèges encore aux privilégiés. Quoi de plus Tartuffe, alors, que de le faire en invoquant la Déclaration de 1789 ! Du coup, le ministre de l’Économie et des Finances, Le Maire, vient d’annoncer, lors du débat d’orientation budgétaire d’octobre, la suppression de la taxe dans le prochain budget, et ce la main sur le cœur, comme s’il était contraint de se plier à la dure exigence du Conseil Constitutionnel : respecter la Déclaration de 1789 !
Alors que tout ceci n’est joué que pour les milieux d’affaires opposés, dès 2012, à cette modeste initiative de Hollande. Les milieux d’affaires ne manquent pas de toupet (mais pourquoi se gêner ?), puisque les grands groupes français, bien qu’ayant touché les milliards du CICE et avoir, par le Medef, promis 1 million d’emplois, ont versé 46 milliards de dividendes en 2016 avec, en sus, 10 milliards de rachats d’action. C’est le choix de la rente, le choix des actionnaires majoritaires contre le monde du travail. Et ceci coûte, à l’Etat, la bagatelle, annoncée par le ministre Le Maire, de 9 milliards d’euros ! Vont-ils oser annoncer des coupes budgétaires pour pouvoir arroser les actionnaires ?
Les multinationales sont seules satisfaites : elles vont pouvoir distribuer des dividendes sans entraves. Quand le Conseil constitutionnel, in fine, prétend, dans sa décision du 6 octobre dernier, que la taxe sur les dividendes ne respecte pas « les principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques », il se fout, bien entendu, de la Déclaration de 1789 . Laurent Fabius, Lionel Jospin et consorts font semblant de croire que le problème c’est l’égalité devant la loi. Et ils auraient attendu, ces membres du Conseil constitutionnel, octobre 2017, pour prétendre à une violation de ce principe, dont nul n’avait eu connaissance en 2102 ? Foutaise que tout cela. Ce n’est qu’une décision de classe, tout à fait écœurante quand, dans le même temps, le financement pérenne des services publics est mis en cause ou quand la péréquation (qui respecte le principe d’égalité, justement) dans les dotations aux collectivités locales est bafouée.
En sus, cela pose un sérieux problème. Car la baisse de l’impôt sur les sociétés, de 33 à 28%, retenue par le gouvernement Macron, est censée, quoique sans contrôle, se traduire en investissements dans les entreprises, en politique salariale positive , etc. C’est, du moins, sa justification. Sauf que le passage de cet impôt de 50 à 33% s’est traduit, en 30 ans, par une augmentation de la part des dividendes dans les profits de 30 à 80% ! Avec cette suppression, le message, qui va de la Commission de Bruxelles au gouvernement Macron, est bien : que les actionnaires exploitent plus encore les richesses produites par les travailleurs et se goinfrent ! C’est dire qu’il faut revendiquer une nouvelle taxe, dissuasive en la matière, et ne pas tolérer un choix de classe aussi provocateur et socialement nuisible.
Par ailleurs, une bonne nouvelle, malgré tout : la pleine actualité de la Déclaration de 1789 ! Il convient donc de se tourner vers ces institutions et leur amour pour le principe d’égalité (Cour de Justice Européenne, Conseil d’Etat, Conseil Constitutionnel), pour revendiquer que soit retoquée la loi Travail, incontestablement contraire, par son non-respect du principe de faveur, de l’article 13. Il en est de même pour le respect, dans les faits, de : « à travail égal, salaire égal ». De même, quant à l’égalité des retraites. Il en est ainsi de l’égalité de traitement des organisations syndicales de salariés, lesquelles avec la loi de 2008 sur la représentativité, la loi Rebsamen et la loi Travail, sont traitées de manière inégalitaire et discriminatoire. Et que dire de l’égalité d’accès aux services publics, principe même de la démocratie. À Tartuffe, Tartuffe et demi.
Gérard da Silva