Sommes-nous en train de renoncer à l'esprit des Lumières ?

Sommes-nous en train de renoncer à l’esprit des Lumières ?

Dimanche 17 décembre 2017, par Bruno Antonini, Tribune libre

Sommes-nous en train de renoncer à l’esprit et, disons, aux idéaux des Lumières. Mais qui est ce « nous » ? Nous, les citoyens de nos démocraties désenchantées ? Nous, les Occidentaux ? Nous, les contemporains ? Nous, les humains ?

Ce « nous » est déjà riche de sens. Il est peut-être un peu de tout cela, de tous ces « nous » qui font de nous des êtres multi-identitaires : nous sommes un peu de tout ça et, si nous y renonçons, c’est parce que nous ne parvenons pas ou plus à réunir ce qui est épars en nous, à nous unir au fond de nous-même et entre nous tous en tant qu’individus en société, aujourd’hui culturellement écartelés, socialement divisés, moralement égarés.

Dès lors, une force d’unité s’impose, un sens de l’être un présent en tout homme, « animal métaphysicien » (Schopenhauer) : un universel. L’Universel désigne ce sur quoi tous les hommes peuvent se rejoindre et se reconnaître, le général commun à tous, que ce soit en matière de science, de valeurs ou d’idéaux (pourquoi pas aussi ce que tous les hommes ont de mauvais). Cet horizon commun est censé être atteint ou au moins pensable grâce à notre faculté de raison, dont Descartes dit, au tout début du Discours de la méthode, en 1637, qu’elle est « la chose du monde la mieux partagée », affirmation audacieuse car pré-révolutionnaire et qui annonce les Lumières, à l’époque du règne du roi Louis XIII. Descartes appelait aussi la raison le « bon sens » ou encore la « Lumière naturelle ».

Seulement voilà :

- Tout le monde ne se reconnaît pas dans l’idée d’une Raison universelle constituant l’unité du genre humain métaphysiquement et au-delà de nos 46 chromosomes, ceci entre autres pour des raisons culturelles ; les dissensions sans fins des hommes se déchirant encore font que ces derniers sont prêts à se disputer l’univers, au nom d’un légitime sentiment d’égoïsme égalitariste présent en chacun de nous tous naturellement ;

- Les principes issus des Lumières et de leur esprit sinon de géométrie, du moins d’égalité et de respect de l’individu comme valeur suprême sont de plus en plus bafoués à notre époque au nom d’une certaine vision de la liberté individuelle niant celle d’autrui mais aussi au nom de croyances multiples qui reviennent au galop. Dans notre pays, c’est la laïcité qui est bafouée dans ce qu’elle a d’essentiel : l’autonomie et le respect de la conscience individuelle, sa liberté, l’égalité entre tous et toutes, la séparation des sphères privée et publique. Tout ceci a contribué à affaiblir l’attachement des opinions publiques à l’esprit des Lumières.

Autant dire que le concept d’universel est aujourd’hui comme… moins universalisé. Mais est-il vraiment un concept universalisable ? Là est notre question de fond pour répondre à la question titre de ce texte afin de voir en quoi il y a renoncement à l’esprit des Lumières et surtout pourquoi et comment il est possible de ne pas y renoncer longtemps encore. C’est donc en répondant philosophiquement, anthropologiquement et politiquement que nous pourrons éclairer notre question de départ, et surtout que nous essaierons de dire comment l’esprit des Lumières peut survivre et s’étendre universellement, au-delà des bonnes intentions et des vagues projets.

Posons donc d’emblée notre thèse-réponse sous-jacente : le concept d’universel est bien un concept universalisable. Mais d’abord, qu’est-ce que « l’esprit des Lumières » ?

C’est d’abord l’esprit d’autonomie. Autonomie de la conscience de soi et de la pensée : trouver en soi-même ce qui permet de choisir, décider, savoir. L’enjeu de fond est bien celui de la liberté, une liberté par autonomie où se joue donc l’émancipation de l’individu homme et citoyen. L’examen critique en est sa méthode, une méthode rationnelle de juger. Depuis les Lumières, cette émancipation a été libération de l’autorité religieuse qui prétendait dicter tout ou presque et se considérait propriétaire des consciences. Mais si l’esprit d’autonomie des Lumières combat la mise sous tutelle des consciences, il ne combat pas la foi. C’est la structure dogmatique théocratique de la société, que les Lumières ont dénoncée et combattue, ce que Marcel Gauchet appelle l’hétéronomie (opposée justement à l’autonomie car trouvant sa loi hors de soi-même), de laquelle nous sortons, d’après lui, par l’avènement de l’autonomie dans et par l’avènement de la démocratie, en tant que processus historique lent, progressif mais sûr de « sortie de la religion », où la France a bien sûr montré la voie au monde dès 1905. Dès lors, l’esprit des Lumières est ici avènement de la tolérance et de la liberté de conscience ... Les Lumières ont ainsi consacré la liberté de croire... et de ne pas croire, et se sont réclamées non de l’athéisme mais entre autres du déisme, de la religion naturelle, autant dire rationnelle, prônant un rapport (possible si on a la foi) immédiat à Dieu sans médiation d’aucune institution religieuse. C’est Kant, philosophe des Lumières allemandes (Aufklärung) qui parlait de « foi rationnelle », dans La Religion dans les limites de la simple raison, en 1793, en pleine Terreur en France. Lui aussi déiste, il réduisit le religieux au rationnel, la religion à la morale et... la morale au christianisme ! Est-ce bien universaliste ?...

Car l’esprit des Lumières est aussi un universalisme, il est un attachement inconditionnel à la Raison et à l’universel en tant que ce qui est général et commun à tous les hommes pour en constituer leur unité. L’universel de l’esprit des Lumières est donc universaliste car il pose d’emblée le commun à tous les hommes : la Raison, laquelle produit des vérités par les sciences sans transcendance ni superstition : ceci culmina avec Galilée, qui disait que « la nature est écrite en langage mathématique », Newton, et Darwin, qui voulurent propager les lumières à tous, dans un élan inavoué tout platonicien selon lequel le vrai porte nécessairement en lui le beau et le bien... pour tous, supposant ainsi l’égalité entre tous les humains. En cela, l’esprit des Lumières est éducateur : écoles, académies savantes, encyclopédies en sont les outils.

Au fond, c’est une nouvelle vision de l’individu que propose l’esprit des Lumières : un individu libre par autonomie, dans une société émancipée par un espace politique prolongeant la séparation du temporel et du spirituel. Cela n’a pas empêché le « despotisme éclairé » de monarques plus rationnels que raisonnables, mais cet esprit d’autonomie de la raison dans le politique a conduit à l’idée de souveraineté du peuple, selon le principe de « volonté générale » rappelé par Rousseau.

Autonomie du peuple donc, autonomie de l’individu également citoyen ! Cette double autonomie consacre la séparation du théologique et du politique en substituant le peuple à Dieu (le dêmos au théos), et a ouvert la voie à la laïcité (d’abord scolaire), en France d’abord, qui n’est pas une nouvelle religion mais une philosophie morale et sociale de séparation du politique et du religieux, sécularisation touchant ensuite le pouvoir politique, la justice et le droit.

Or, à quoi assistons-nous de nos jours ? Au retour en force de l’irrationnel, du religieux sectaire sous la forme de religions révélées ou inavouées qui ont souvent l’argent comme vrai Dieu. Dans les faits, les mœurs et le droit, les entorses aux règles de vie commune respectueuses de la différence d’autrui sont légion. Que ce soit dans l’espace public ou dans l’espace social étendu, les mœurs se rigidifient et les institutions aussi, comme par reflet. Les libertés publiques reculent au moins dans le non-dit ambiant. Citons l’exemple emblématique des piscines non mixtes ou d’accès limité aux femmes seulement à certaines heures. Le retour des préjugés machistes, sexistes, inégalitaires au nom d’une prétendue nature reviennent et le rejet des minorités ou simplement du « pas comme moi » (selon divers critères) semblent être entrés dans les mœurs ou du moins ne font plus – ou moins – scandale, au nom du droit à la liberté d’expression. Des croyances irrationnelles voire imbéciles colportées par des sectes rampantes ayant de plus en plus pignon sur rue tendent à s’imposer au nom d’un respect de la différence (sûrement de soi mais pas de l’autre) et gangrènent même parfois des institutions.

Des préjugés qui, il y a peu de temps encore, faisaient hausser les épaules, semblent se trouver une légitimité et un auditoire grandissant hermétique à l’enseignement rationnel et laïque qu’ils ont pourtant reçu chez nous, au nom de la liberté d’opinions. « On est en République, tout de même, non ! », s’entend-on dire.

Bref, une « pensée » paresseuse s’est installée dans notre civilisation, en tant que posture facile relativiste au nom d’une tolérance molle et sans valeurs, un mauvais individualisme donc, celui qui claquemure chacun narcissiquement au fond de lui-même en niant l’individualité des autres et toute valeur commune possible, tout fond commun d’humanité (si ce n’est l’égoïsme naturel), niant ainsi tout universel. Globalement, cette renonciation fragmente la société, encourage et développe le communautarisme, le repli identitaire.

D’où vient ce relâchement général tendanciel ? Du ramollissement des institutions, de la famille à l’État ? De l’individualisme néolibéral d’inspiration anglo-saxonne ? De la dureté économique de ces quatre ou cinq dernières décennies ? De l’arrogance de certains religieux et de leurs lectures sectaires de leurs textes sacrés ? Du consumérisme des Trente Glorieuses puis des quarante laborieuses ? De la faillite d’un certain socialisme ? D’une laïcité chez nous mal pensée et partant mal pratiquée ? Sans doute un peu de tout cela et conjointement.

Mais c’est peut-être en raison d’une défaillance majeure et consubstantielle du politique et de la civilisation, qui conjointement là aussi sont censés « faire société », que nos sociétés se sont éloignées peu à peu du grand projet d’émancipation humaine confraternelle et rationnelle de Condorcet, Père des Lumières qui voulait « rendre la raison populaire ». Ce renoncement apparent à l’esprit des Lumières semble avoir pris les traits d’un troc : celui du Progrès (thème majeur des Lumières et de Condorcet) pour une modernité vague et sans but. Là est l’ambivalence de notre époque : une certaine modernité, cheval de Troie d’un certain obscurantisme contemporain.

L’universalisme est actuellement malmené sur les deux fronts liés de l’anthropologie et de la politique : celui de l’unité humaine et celui de la justice sociale. Est-ce une fatalité irréversible ? Devons-nous, « nous » républicains, nous résigner et donc intégrer, accepter ce renoncement majeur à l’universalisme ? Non, car l’universel est un concept universalisable. Voyons donc pourquoi et comment, métaphysiquement, anthropologiquement et politiquement.

Mais, osons le dire, notre renoncement actuel est en partie dû aux Lumières elles-mêmes, à leur esprit sous une certaine posture, plus précisément, en raison de l’universalisme abstrait, qui nous a conduit au relativisme généralisé, allant aujourd’hui jusqu’à dissoudre toute valeur. Cet universalisme-là faisait de la liberté en soi l’essence de l’homme, sans adosser l’expérience de la liberté à la nature et sans impliquer l’individu dans une histoire concrète et collective. C’est l’humanisme abstrait, défendu par Rousseau et Kant. Il fut dénoncé à juste titre par Hegel au XIXe siècle et par Adorno et Horkheimer au XXe siècle dans leur livre Dialectique de l’Aufklärung (1947), où ils écrivent : « les philosophes des Lumières attaquaient la religion au nom de la raison : ce qu’ils anéantirent en fin de compte fut non pas l’Église mais la métaphysique et le concept objectif de raison proprement dit, la source d’énergie de leurs efforts même », inaugurant ainsi le nihilisme de notre époque, maladie honteuse de notre modernité, qui fait de l’humanisme une coquille vide pleine d’inhumanité.

Il y aurait donc un ver moderniste dans le fruit des Lumières que le sociologue Weber, le psychanalyste Freud et le philosophe Heidegger ont tous dénoncé à leur façon : le premier par sa critique de la raison bureaucratique, le second par l’analyse du malaise dans la civilisation et le troisième par sa mise en garde très critique contre la technique moderne comme ultime manifestation de la volonté de puissance et du nihilisme contemporain.

Cependant l’idéologie des Lumières possède en elle-même tous les ressorts de son renouveau, de sa révision, de son sursaut salvateur ; elle sécrète l’antidote de son propre poison. C’est l’universalisme que j’appellerai « intégral » car unissant le formel et le substantiel, l’abstrait et le concret, le spirituel et le matériel, l’individuel et le social, l’homme et l’humanité.

Pour cela, c’est une métaphysique de l’unité qu’il nous faut avancer, une métaphysique de l’unité de l’être : l’être de l’homme-humanité. L’homme est, en effet, une entité métaphysique par la raison qui l’habite. Il n’est pas qu’un simple corps doté d’un certain génome. Il est un être épris d’humanité en tant que sentiment raisonné, un sentiment d’unité humaine et de l’être tout à la fois.

Dès lors, comment faire vivre cet universalisme intégral ? Sa métaphysique de l’unité se retrouve, à mon sens, dans la laïcité, telle que nous la concevons en France, et qui est loin d’être une simple posture de neutralité vide, relativiste et moralement paresseuse. Elle est positive et non neutre en ce qu’elle pose des valeurs : celles de la liberté absolue de conscience, de l’égalité stricte entre individus et de séparation stricte entre les sphères du privé et du public. Notre laïcité est donc un universalisme intégral parce qu’elle embrasse le genre humain dans toute son ampleur, l’individu humain dans toute son unité et l’unité humaine dans toutes ses diversités. Tout se joue dans le rapport de l’universel au particulier, et même au singulier. Le point de départ est la question culturelle, identitaire et ethnique. Penser un renouveau de l’esprit des Lumières, c’est postuler une unité humaine en deçà du culturel, de l’ethnique. Bref, c’est postuler qu’une métaphysique précède et annonce une anthropologie politique et morale.

Chaque homme porte en lui spirituellement l’humanité, chaque élément, chaque partie contient donc le Tout. Parce que l’homme est esprit qui transcende la matière, il a capacité, s’il le veut, à dépasser son individualité pour embrasser l’universalité de son être par la raison, elle-même universelle.

L’universel est ce qui est donc premier en soi-même et notre laïcité le suppose en postulant par son principe d’égalité, que chacun est d’emblée ce que sont tous les autres : un être de raison et un citoyen potentiellement démocratique par cela. L’universel est donc vraiment un concept universalisable lorsqu’il est intégral et s’identifie au peuple, comme l’indique l’étymologie du mot laïcité : du grec ancien laïkos, qui signifie « qui appartient au peuple » ; par opposition à ecclèsiastikos : « qui appartient à l’Église, au Clergé » (ecclèsia signifie « assemblée » en grec ancien).

Dès lors, « ce qui appartient au peuple » désigne le fait social par excellence, le politique en tant que tel, un fait qui ne fonde pas, qui ne fonde rien a priori, mais qui est fondé par une conscience morale qui est en chaque homme comme en l’humanité en son entier. Voilà pourquoi ceux qui défendent leur identité particulière (ethnico-religieuse, régionaliste ou communautariste diverse) comme identité première et donc essentielle, ne sont pas universalistes mais différentialistes prétendument et faussement essentialistes et se nient eux-mêmes en tant qu’humain et altérité (être l’autre de l’autre) car ils nient aussi l’existence des autres tout en niant leur identité première, je veux dire leur être : l’humanité ! De plus, à quoi bon revendiquer « son » identité en sa différence aux autres ? Elle est et donc n’a pas à être défendue car elle est une réalité, elle existe de fait et donc ne mérite que d’être constatée.

L’identité à soi n’est pas essence mais le propre à soi : ce qui n’appartient qu’à soi singulièrement ou à ses semblables particulièrement. Le propre n’est pas ontologique (même s’il découle de l’essence), il n’est que logique, une logique du singulier, donc du non généralisable. Lorsque Rabelais écrit dans Gargantua que « rire est le propre de l’homme », il veut dire simplement que seul l’homme rit, mais que rire n’est pas la fonction définissant l’homme en son essence. Ainsi, se définir en une particularité est une pétition de principe car ce n’est pas dire l’essence mais une propriété, une disposition qu’Aristote appelle « diathèse », dans Topiques, I, 5.

Or, c’est bien cette confusion qu’entretient notre époque, par le narcissisme identitaire, autant dans l’espace consumériste de marché que dans les dimensions culturelles et sociales. Les identités ethniques sont donc secondes, voire au-delà... Tu es d’abord l’homme en son humanité.

Retourner à l’esprit des Lumières, c’est retrouver l’unité perdue ou oubliée du genre humain, c’est universaliser la part commune de l’universel qui gît en nous et se déploie par la politique en tant qu’exercice de la citoyenneté, fût-elle à terme universelle ! Mais en attendant l’avènement de cette citoyenneté du monde, il nous faut la penser, la fonder, dans un effort de pensée qui dépasse celui des fondateurs de la laïcité au XIXe siècle en France, mais aussi un effort qui la parachève, achevant aussi, à mon sens, le processus inauguré en 1789 : penser au XXIe siècle enfin une Morale laïque ! Je pourrais développer sur le cosmopolitisme, ou aussi sur la francophonie (en tant que particularité s’universalisant) ; mais la Morale laïque ne peut attendre...

Cette Morale n’existe pas encore. Il nous faut la fonder, l’écrire. C’est la conclusion de ce texte sous forme de proposition, de chantier majeur et magistral à engager dans ce siècle commençant. Jules Ferry n’est pas allé jusque-là en tant que ministre de l’Instruction publique quand il instaura la laïcité scolaire. En effet, sa célèbre Circulaire de 1883 sur « le programme d’enseignement moral et civique » ne fut qu’une approche laïque de la morale... chrétienne mais pas une Morale laïque. En effet, pour les élèves du Cours moyen de 9 à 11 ans, Ferry préconise aux instituteurs de l’École publique d’enseigner aux enfants les devoirs envers soi-même, envers les frères et sœurs, la famille, ma patrie et... envers Dieu !

Jules Ferry écrit :

« L’instituteur n’est pas chargé de faire un cours ex professo sur la nature et les attributs de Dieu ; l’enseignement qu’il doit donner à tous indistinctement se borne à deux points : D’abord, il leur apprend à ne pas prononcer légèrement le nom de Dieu ; il associe étroitement dans leur esprit à l’idée de la cause première et de l’être parfait un sentiment de respect et de vénération ; et il habitue chacun d’eux à environner du même respect cette notion de Dieu, alors même qu’elle se présenterait à lui sous des formes différentes de celles de sa propre religion. Ensuite, et sans s’occuper des prescriptions spéciales aux diverses communions, l’instituteur s’attache à faire comprendre et sentir à l’enfant que le premier hommage qu’il doit à la divinité, c’est l’obéissance aux lois de Dieu telles que les lui révèlent sa conscience et sa raison. »

En 2013, Vincent Peillon, alors ministre de l’Éducation nationale, parlait abusivement de Morale laïque en la définissant ainsi : « La morale laïque est un ensemble de connaissances et de réflexions sur les valeurs, les principes et les règles qui permettent, dans la République, de vivre ensemble selon notre idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité. Cela doit aussi être une mise en pratique de ces valeurs et de ces règles » (Le Monde, 22 avril 2013).

Abusivement, disais-je, car cette Morale n’existe pas encore. D’ailleurs, le rapport de la mission qui fut chargée de définir le contenu du projet de cet enseignement du CP à la terminale, parlait d’un « enseignement laïque de la morale » et non d’un enseignement de la Morale laïque... Peillon affirma alors que c’était la même chose, précisant que ce ne serait ni une morale antireligieuse ni d’État, mais « le contraire du dogmatisme » et qu’elle fait « le pari de la liberté de conscience et de jugement de chacun : elle vise l’autonomie. » Bel objectif pour une telle Morale et pour des républicains ! Mais ce n’est pas ce qui la constitue.

Il nous faut donc la fonder en pensant d’abord ses conditions diverses de possibilité. Il ne m’appartient pas d’y répondre seul bien sûr, mais je livre le projet à tous...
Tel est ce supplément d’âme dont la République a cruellement besoin aujourd’hui, politiquement, socialement, moralement, pour consacrer vraiment l’universalité de notre laïcité et l’universalisation réelle du concept d’universel. Telle est la voie, à mon sens, que nous devons emprunter pour rester fidèle à l’esprit des Lumières.

Bruno Antonini