Interview d'André Bellon dans la Marseillaise

Interview d’André Bellon dans la Marseillaise

Mercredi 22 avril 2020, par Association pour une Constituante

Ci-dessous et en pièce jointe le texte de l’entretien d’André Bellon dans l’édition du 29 mars.

Voir http://www.lamarseillaise.fr/analyses-de-la-redaction/decryptage/81238-andre-bellon-ceux-qui-ont-mis-nos-vies-en-danger-en-affaiblissant-les-outils-de-la-solidarite

« Ceux qui ont mis nos vies en danger en affaiblissant les outils de la solidarité »

Le philosophe, essayiste et économiste André Bellon livre son analyse sur la prise de conscience collective qui pourrait naître de la crise sanitaire avec de nouvelles exigences citoyennes et donc politiques s’opposant au néolibéralisme.

La Marseillaise : Quels sont les enseignements que nous pourrions tirer de la situation d’urgence que nous vivons aujourd’hui ?

André Bellon : Je pense que la crise actuelle du coronavirus peut nous amener petit à petit à prendre conscience de la nécessité à refaire peuple. On va se trouver à choisir entre bonapartisme et Constituante. Il n’y aura pas d’autre alternative. Soit on officialise le côté dictatorial, soit on est obligé de reconstituer le peuple. Mais il n’y aura pas de place pour l’entre-deux. Le reste c’est du bla-bla. Tout va dépendre de la mobilisation de chacun : il faut refaire citoyen. Sentir qu’on a une parcelle de pouvoir et qu’on veut être en mesure de l’exercer en liberté, qu’on est collectivement souverain.

J’ai été frappé par le mouvement des Gilets jaunes complètement inattendu mais sans doute en latence depuis un certain temps. Il a posé les effets de la disparition des services publics. Le problème n’a pas commencé avec l’épidémie de coronavirus même si on le voit aujourd’hui de manière encore plus évidente à hôpital. C’est une question globale qui démontre la résurgence de l’État.

Quelle solution politique pourrait entraîner cet électrochoc ?

A.B. : Avant de trouver la solution politique, il faut d’abord faire une bataille idéologique qui s’intéresse aux fondamentaux, c’est-à-dire à la souveraineté populaire qui de toute évidence demande des services publics, qui demande un État qui s’attache au bien-être des personnes, qui demande de la citoyenneté. Ce qui veut dire, pour commencer, que tout doit pouvoir être discutable. Il y a un contexte, un ennemi qui s’appelle le néolibéralisme. Et je pense comme Einstein qu’on ne résout pas un problème dans un système qui les a créés. Il est donc urgent de sortir d’un discours qui nous a été imposé depuis les années 80 par la construction de la volonté individuelle et collective. Le néolibéralisme est un système dominateur qui impose sa solution comme étant non discutable. Ce débat a été empêché par un système politique empêtré dans l’obsession de gagner l’élection présidentielle. La bataille à mener est beaucoup plus profonde. Elle est philosophique et politique et on peut la gagner. Mais ça demande beaucoup de constance et d’une certaine façon de penser autrement.

Vous défendez l’idée d’internationalisme et combattez le mondialisme...

A.B. : Oui, contrairement à Jacques Attali qui, le 3 mai 2009 au moment de la crise du Sras déclarait qu’il n’y avait qu’une solution, c’est-à-dire la création d’un gouvernement mondial, je dénonce l’idée qu’il existe une vérité que les gens seraient trop cons pour comprendre. Je suis de la même promotion Polytechnique que lui, je le connais en tant que personne. Tout ça c’est l’idéologie des Chicago boys qui veut qu’il n’y ait pas de sortie de crise, pas de salut possible sans l’adoption d’un gouvernement mondial. Ce qui sous-entend une règle commune qui s’applique à tous les individus sur terre qui sont incapables de comprendre le bonheur que rapporte ce système.

Fondamentalement nous sommes depuis quelques décennies, particulièrement depuis les années 80, dans une crise et une crise économique mais qui est aussi une crise idéologique. Et je la résume, en effet, par l’affrontement entre internationalisme et mondialisme. L’internationalisme reconnaît les Nations au sens où il y a un collectif qui cherche avec les autres la manière de vivre la plus paisible possible, un système économique qui tienne tient compte de ses besoins. Et ce conflit-là, il a été gagné dans les années 80-90 par les mondialistes. Et si vous étiez contre, vous étiez au mieux fumeux, au pire terroriste. Sauf que les crises s’accumulent année après année. Aujourd’hui, c’est une crise sanitaire mais il y en a eu d’autres. Et puis il y a la pauvreté, les inégalités qui se répandent, l’injustice... Du coup la question de l’État est revenue alors qu’elle avait disparu. La question de l’État c’est quoi ? C’est les services publics, le fait que l’hôpital ça doit avoir des moyens, le fait qu’il faut savoir payer le personnel soignant, c’est le fait aussi que l’éducation ça demande des professeurs payés normalement… Bref, on retrouve ce sens de l’intérêt général au travers de la reconstitution de l’État. On avait eu droit au Jugement dernier, au Grand soir, là c’est le gouvernement mondial. C’est aussi un aboutissement ultime : le bonheur éternel pour l’ensemble de l’humanité. Cette vision eschatologique, je crois qu’elle est à combattre. L’Histoire ne se fait pas par un objectif mystique transcendantal, elle se fait parce que les humains la font. C’est ça l’humanisme. Ils doivent déterminer quels sont leurs objectifs avec des principes auxquels ils sont attachés : la justice, la paix. Je crois qu’on est en train de redécouvrir au-delà de tout les Démiurge, que ça se fait par les humains tous ensemble, chacun apportant sa petite parcelle de démocratie.

Au moment de la campagne du référendum de 2005, j’ai vu des citoyens dans un mouvement comme on n’en avait pas vu depuis la Libération qui affirmaient leur souveraineté et en avaient marre qu’on leur donne des solutions clé en main qui ne marchent jamais. Ils disaient vouloir définir leur avenir. La suite on la connaît : le vote des Français a été bafoué. Aujourd’hui, la situation peut nous aider à prendre conscience qu’il faut retrouver les fondements institutionnels qui rappellent avant tout la souveraineté populaire qui s’oppose par définition au mondialisme telle que le prévoient des gens comme Jacques Attali. C’est pour ça qu’on a créé l’association "Pour une constituante". Nous, nous sommes pour l’internationalisme et c’est autre chose. D’ici quelques semaines, cette pandémie devrait être éteinte. Il faudra alors se rappeler au bon souvenir de ceux qui ont mis nos vies en danger en affaiblissant les outils de la solidarité.

Propos recueillis par Thierry Turpin

Documents joints

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)