Quand on trouve les bons prétextes pour renforcer encore le fédéralisme européen

Quand on trouve les bons prétextes pour renforcer encore le fédéralisme européen

Vendredi 18 octobre 2024, par Anne-Cécile Robert

Dans un arrêt rendu le 26 septembre (affaire C-792/22 | Energotehnica), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) estime qu’un juge national n’est pas tenu d’appliquer une décision de sa Cour constitutionnelle si celle-ci enfreint le droit de l’Union européenne.

La CJUE avait été saisie par la Cour d ’appel de Brasov (Roumanie) d’un conflit de droit du travail. La famille d’une victime d’un accident du travail avait vu sa demande d’indemnisation rejetée par le juge administratif roumain. Selon la loi roumaine telle qu’interprétée par la Cour constitutionnelle roumaine, ce rejet par le juge administratif empêchait tout autre recours contre l’employeur, y compris devant la juridiction pénale. La Cour d’appel de Brasov avait donc demandé à la CJUE si cette fin de non-recevoir était conforme au droit européen qui garantit un "droit de recours effectif" aux victimes d’accidents du travail. La CJUE affirme que le droit de l’Union européenne l’emporte sur le droit national (jurisprudence traditionnelle) mais aussi sur la décision d’une Cour constitutionnelle nationale (ce qui est nouveau). Il s’agit d’un pas nouveau franchi vers le fédéralisme juridique puisque que la Constitution est au sommet de la hiérarchie des normes (ainsi que le rappelle le Conseil constitutionnel dans les décisions nos 2004-505 DC précitée et 2007-560 DC du 20 décembre 2007 ). Le juge constitutionnel (en France, le Conseil constitutionnel) est le garant du respect de cette hiérarchie. Quel que soit le fond de l’affaire jugée par la CJUE (on peut être sensible au droit d’un travailleur victime d’un accident du travail), la décision de la CJUE participe de la volonté d’assoir son autorité et celle du droit européen sur le droit national adopté par les représentants du peuple.