Lettre ouverte de la citoyenne Jennifer Cingouin aux députés
Vendredi 30 décembre 2011, par
La citoyenne Jennifer Cingouin, en collaboration avec le citoyen Raphaël Berland, a adressé la lettre ouverte ci-dessous aux députés français. Outre l’intérêt que présente ce texte en lui-même, l’Association pour une Constituante a jugé utile de caractériser les réactions des parlementaires aux questions que pose cette citoyenne de 25 ans.
Mesdames, Messieurs les députés,
Je vous écris aujourd’hui afin de vous interpeler sur la situation de la France et des français. J’ai 25 ans, je suis citoyenne française et j’ai grandi avec les valeurs de la République. C’est pourquoi, je garde foi en elle, et en ses institutions.
Je vous écris à vous, Mesdames et Messieurs les Députés, car je garde l’espoir que vous demeurez, siégeant à l’Assemblée Nationale, parmi les principaux garants de nos institutions. Vous arrivez au terme de votre mandat de députation. Vous êtes sur le point de faire le bilan de votre action, de vos cinq années passées à l’Assemblée Nationale.
Au-delà de vos différentes familles politiques, vous partagez tous, je veux le croire, les mêmes valeurs républicaines, la même volonté de servir le peuple français. Votre qualité d’élu du peuple au suffrage universel direct prouve que vous adhérez aux règles démocratiques qui régissent notre nation. Plus encore, votre qualité de Député à l’Assemblée Nationale vous confère le devoir d’exercer un véritable contre-pouvoir à l’exécutif, dans un souci de pondération républicaine.
Malheureusement, je constate que sur certains sujets essentiels (l’intégration européenne ou les affaires étrangères par exemples) votre vote ne reflète pas la volonté dans sa diversité mais une idéologie de caste.
De la Constitution européenne
Il ne s’agit pas d’un sujet mineur. Nous avons hérité d’une Constitution française, texte fondateur de notre Nation, objet premier du pacte républicain. Nous avons dit non à l’adoption d’une Constitution Européenne grâce au référendum de 2005.
Pour la majorité des concitoyens et moi-même, vos votes successifs qui ont permis la ratification du traité de Lisbonne en 2008 peuvent être qualifiés de « haute trahison ». Je souligne que la loi réformant le crime pour Haute trahison, votée en 2007, est tombée à point nommé…
Vous avez sciemment désavoué la volonté populaire, celle-la même dont vous tirez pourtant votre légitimité. Pire encore, vous avez consenti à servir des intérêts particuliers, rendant les riches tout puissants au détriment de l’intérêt général. Et vous poursuivez dans ce vice, en organisant minutieusement le démantèlement de notre propre pays ! En êtes-vous seulement conscient ? J’en doute, l’hémicycle remplissant pour certains d’entre vous la fonction de dortoir !
Je ne vous juge pas. « Errare humanum est, perseverare diabolicum ». Or, vous faites preuve de persévérance dans votre grand projet européen. L’aplomb avec lequel vous imposez aux français vos plans d’austérité pour sauver ce projet me fait douter de vos compétences, voire de votre honnêteté.
Il s’agit de lois que vous défendez becs et ongles contre notre volonté. Ces lois engendrent directement des contraintes économiques très concrètes pour les français. Par vos décisions tyranniques, vous condamnez des milliers de personnes à la misère. Vous brisez des vies. Vous assassinez froidement. Vous n’êtes pas l’huissier qui procède à l’expulsion, le policier qui arrête, le pompier qui répond à la misère de notre société. Vous, vous êtes tranquillement assis sur les bancs de l’Assemblée Nationale, coupés de notre réalité.
Cette insensibilité doit-elle être imputée au montant de vos rémunérations mensuelles s’élevant à plus de 20 000 euros, hors mandat local (maire, conseiller général ou régional) ? Dois-je vous rappeler que le SMIC mensuel est aujourd’hui à 1096 euros net ?
Force est de constater que la corruption de vos esprits n’a pas de limites !
Du retour dans le commandement intégré de l’OTAN
Comme si l’avilissement de La France par les technocrates européens ne suffisait pas, vous avez pris la décision en 2009 d’un retour de celle-ci dans le commandement intégré de l’OTAN à 330 voix pour et 238 voix contre. Vous avez ainsi obligé l’Armée française à intervenir dans des conflits injustifiés qui desservent l’intérêt de la France. Vous avez justifié cette réintégration par la nécessité pour la France de retrouver sa place sur l’échiquier politique du monde, alors même que cette décision hypothèque clairement l’indépendance de notre politique étrangère.
Pourtant, la position de la France était claire, grâce à la décision du Général de Gaulle en 1966. En sortant du commandement intégré de l’OTAN, il avait clairement signifié à nos alliés et au monde l’importance de notre indépendance militaire et diplomatique. C’était un gage pour peser dans les relations internationales. Je rappelle que cette position a permis à Jacques Chirac de s’opposer à la guerre en Irak. Il est choquant qu’aucun débat public n’ait précédé votre décision à l’Assemblée Nationale. Je suis convaincue que votre vote ne reflète pas du tout la volonté du peuple français sur ce sujet majeur. Et pourtant, c’est aux français que vous demandez de se « serrer la ceinture » pour continuer votre projet européen illusoire, tout en continuant à financer vos exactions militaires. Vous ruinez la France et détériorez son rayonnement autour du monde, alors qu’elle fut durant plus de 40 ans et grâce au Général de Gaulle, un phare pour le droit des peuples à disposer d’eux mêmes.
Quelle volte-face ! De principal opposant à la guerre en Irak il y a 9 ans, notre pays est devenu le premier promoteur de la guerre en Libye. Les maigres butins de guerre convoités par certaines de nos entreprises ne sont rien face aux vies détruites. Dorénavant notre pays alimente clairement le « Choc des Civilisations ».
Sachez que le peuple n’est pas dupe. Les médias français ont certes dit la vérité sur les mensonges proférés à l’ONU pour justifier la guerre en Irak, mais ils n’ont pas fait leur travail concernant les soi-disant bombardements sur Tripoli et autres affirmations de la FIDH qui ont justifié la guerre en Libye.
Où est votre enquête parlementaire sur les faits qui ont justifié l’entrée en guerre de notre pays ? Vous êtes-vous basé sur de simples allégations ? Avez-vous avalé des couleuvres ?
Alors même que le temps serait venu de prendre vos responsabilités, de tirer les conclusions de vos erreurs, vous abandonnez vos prérogatives et laissez dériver notre pays vers l’abîme.
Vous devriez pourtant faire le choix d’une sortie de l’Union européenne, accompagné d’une sortie de l’OTAN, ce qui permettrait à la France de retrouver son indépendance, sa souveraineté, sa force. Vous nous avez imposé un carcan idéologique, économique dont nous ne voulons pas et dont nous souffrons.
Qu’avons-nous aujourd’hui comme recours ? Les élections présidentielles, doublées des législatives, c’est à dire l’éternel bipartisme et ses faux débats clivant ? Quelle hypocrisie, quand on sait que, quel que soit le Président élu, le programme économique finalement appliqué sera décidé à Bruxelles.
L’enjeu est donc la reprise de notre souveraineté par tous les moyens que nous ayons en notre pouvoir.
Post-Scriptum : afin de prouver que cette lettre ouverte est non partisane, je tiens à remercier dans une liste non-exhaustive les interventions de Martine Billard, député du groupe GDR, Roland Muzeau, député et président du groupe GDR, Marc Dolez, député du groupe GDR, André Gerin, député du groupe GDR, Jacques Dessalangre, député du groupe GDR, André Chassaigne, député du groupe GDR, Christian Paul, député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, Nicolas Dupont-Aignan député n’appartenant à aucun groupe, Daniel Paul, député du groupe GDR, Jean-Paul Lecoq, député du groupe GDR, Jean-Paul Bacquet, député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, Michel Sordi, député du groupe UMP. Lors du débat sur le Traité de Lisbonne, elles furent la preuve qu’il existe encore des voix dissidentes à l’Assemblée Nationale. Malheureusement ces voix sont bien trop rares ; elles n’en sont que plus précieuses.
Voici, par ailleurs, ci-dessous et sans commentaires, la réponse du député Pascal Brindeau
Chère Madame,
Votre interpellation sur le mandat parlementaire qui s’achève et sur les orientations qui ont été prises tant en matière de politique étrangère qu’européenne sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy a bien retenu toute mon attention.
Je vais m’efforcer d’y répondre bien que n’étant parlementaire depuis le 15 décembre 2010, en remplacement d’un député nommé au Gouvernement (Maurice Leroy, Ville).
Vous posez une question fondamentale pour notre pays et pour nos concitoyens, qui je le pense aussi constitue le cœur de la campagne présidentielle qui s’ouvre : celle de la souveraineté.
Mais je voudrais vous faire remarquer que l’on met trop souvent à toutes les sauces ce beau mot qui doit être synonyme, à mon sens, de liberté et de démocratie.
Je sais le Président de la République et la majorité présidentielle à laquelle j’appartiens, profondément attachés à la souveraineté de notre Nation.
Dans des domaines essentiels comme la politique internationale et européenne de la France, cette volonté de préserver notre souveraineté et notre modèle social s’est illustrée.
Vous citez l’exemple du traité de Lisbonne. Celui-ci est une continuité de la construction européenne, singulièrement depuis le Traité de Maastricht et il me semble que, sur ce point au moins, la plupart des partis de la gauche de gouvernement et ceux de la droite républicaine partagent une vision commune.
Je crois que le danger d’un tel débat et de confondre souveraineté et nostalgie de temps et de modèles révolus.
Le retour au Franc comme le préconise l’un des parlementaires que vous avez cités en référence est un miroir aux allouettes. En quoi le retour à une monnaie qui serait soumise à une plus grande spéculation encore que l’€, et dont la stabilité dépendrait largement non pas des choix de la banque centrale nationale mais de la santé économique du marché commun et plus globalement des flux financiers internationaux, constituerait-il un retour de souveraineté. C’est tout le contraire qui se produirait.
En réalité, ceux qui préconisent l’abandon de l’€ devraient aller jusqu’au bout de leur logique, dont ils savent qu’elle est tout bonnement inenvisageable : la sortie de la France de l’Union européenne.
L’isolement n’est pas un gage de souveraineté bien au contraire, c’est dans le monde tel que nous le vivons, la certitude de la faiblesse et du déclin.
Il en va de même de notre politique de défense : la réintégration dans le commandement de l’OTAN était inscrite dans le sens de l’Histoire. A aucun moment d’ailleurs, la volonté du Général de Gaulle n’a été de quitter l’organisation militaire.
Aujourd’hui, la voix de la France est entendue et respectée. C’est une chance, et le leadership exercé par Nicolas Sarkozy n’y est pas étranger. C’est une chance aussi.
Au-delà des gesticulations, des surenchères de campagne et du populisme de comptoir, notre pays a besoin de se mobiliser, de se rassembler pour affronter des changements sans commune mesure avec ce que nous avons connu.
C’est ce que je souhaite et c’est le sens de mon engagement en politique.
Je vous remercie de l’attention que vous porterez à ces quelques éléments de réponse, bien trop succincte au regard des enjeux que vous posez légitimement.
Cordialement