Après la Grèce, l’Espagne en recherche de démocratie
Lundi 16 février 2015, par ,
L’arrivée au pouvoir de Syriza en Grèce est un signe très fort de la remise en cause nécessaire des règles qui fondent la société oligarchique qui nous gouverne, tant au niveau national qu’au niveau européen. Nous en avons parlé sur Radio Aligre (Voir http://www.pouruneconstituante.fr/spip.php?article973 ). Ci dessous, nous publions des extraits d’un article de notre ami Jean-Claude Martin sur les évènements qui se déroulent en Espagne et qui confirment ce besoin démocratique. On trouvera l’intégralité de cet article dans la rubrique Libre Propos du site http://www.la-democratie.fr
Après avoir vécu de douloureuses décennies, sous la botte de FRANCO, dans la dictature et l’obscurantisme, l’Espagne, monarchie constitutionnelle, nous a étonnés par ses avancées en matière de liberté.
Premières mesures de rigueur.
Avec la crise économique – issue de l´éclatement, en 2008, de la bulle immobilière –, qui a fait chuter le PIB aux alentours de -5%, le gouvernement social-démocrate de ZAPATERO (PSOE, 2004-2011), aspiré dans la spirale libérale des préconisations de la Commission Européenne et du FMI, a cru devoir adopter une première série de mesures de réduction d’avantages sociaux.
Première réaction populaire : Les Indignés.
Dans un mécontentement qui gonflait, la réaction populaire, aussi subite que spectaculaire, du 15 mai 2011, vit le surgissement sur la scène politique et médiatique du mouvement 15 M, dont les participants sont plus connus hors du pays sous le nom d’Indignados.
Fustigeant l’oligarchie parlementaire et financière, les manifestants, au-delà de la défense des droits sociaux, réclamaient " le pouvoir au peuple", pour l’avènement d’une "démocratie réelle".
Contrecoup électoral : la Droite au pouvoir.
Mais à l’instar de Mai 68, en France, et en conséquence des seules possibilités de sanction qu’offre le bipartisme en démocratie parlementaire, les élections municipales, régionales et législatives qui suivirent, en cette même année 2011, furent largement remportées par les conservateurs du Partido Popular (PP). Porté par une idéologie néolibérale friedmanienne et une nostalgie rémanente du franquisme, le nouveau gouvernement a multiplié, sans discontinuer, les mesures antisociales, en les doublant d’atteintes aux libertés.
Les manifestations reprennent au rythme des coups portés par le gouvernement.
Dans un premier temps, il aurait pu sembler que le peuple espagnol allait supporter en silence la politique d’austérité conduite par les dirigeants qu’il venait d’élire. Le mouvement 15M connut un reflux, mais le mécontentement populaire sous-jacent persista et se traduisit par des manifestations de plus en plus nombreuses, au fur et à mesure que s’accumulèrent les nouvelles atteintes et abus du gouvernement ou des pouvoirs locaux.
Le constat de l’échec économique d’une politique ultralibérale menée contre le peuple.
Il faut dire que le résultat de ces années d’austérité croissante, saluée par les dirigeants et experts politico-économiques de la Troïka (FMI, Banque Centrale et Commission européennes), pour « une moindre augmentation que prévu de la dette publique, en 2014, », est en fait, catastrophique, tant au plan économique que social. La dette des entreprises non financières et celle des ménages, continuent de battre record sur record. Il en est donc de même de la dette totale du pays qui approche les 250 % du PIB. Quant au « retour vers la croissance » de celui-ci, il se fait en oscillant de manière incertaine, sans qu’aucun espoir d’effet positif sur le niveau de vie et l’emploi, n’apparaisse. Les possibilités de dépenses des ménages poursuivent, depuis 2008, leur décroissance annuelle, jusqu’à avoir atteint -5% entre 2011 et 2012. Quant au chômage, il frappe un quart de la population "active" et plus de la moitié des jeunes de moins de 25 ans (54%) !
On voit donc que cette « politique de la dette », visant à rassurer les marchés, ne réussit qu’à appauvrir et même, affamer le peuple : des écoles doivent rester ouvertes pendant les vacances, pour garantir à des enfants, dont la famille a perdu tous ses revenus, qu’ils ne seront pas privés de leur seul repas journalier, celui de la cantine scolaire.
La naissance et le succès croissant d’un nouveau parti : PODEMOS.
Dans la ligne d’action des manifestations et « pour convertir l’indignation en changement politique », afin que les luttes sociales ne soient pas, à nouveau, annihilées par des élections, une trentaine d’intellectuels, personnalités de la culture, du journalisme, et du syndicalisme, ont publié, les 12 et 13 janvier 2014, le Manifeste Mover ficha. Cette déclaration exprimait la nécessité de lancer un processus politique participatif et de présenter des candidatures aux élections européennes de mai 2014, en vue d’opposer des idées de gauche aux politiques de l’Union Européenne, concernant la crise économique. Elle préconisait, en outre, le développement d´un changement constitutionnel et l´établissement d´une « démocratie participative et référendaire ».
Un nouveau parti fut créé, le 11 mars 2014, sous le nom de PODEMOS (Nous Pouvons) qui reprend et concentre en un mot, le cri d’espoir des manifestants.
Un processus de changement démocratique exemplaire.
On assiste là, à l’avancée d’un processus de démocratisation exemplaire, en ce qu’il ne reste pas circonscrit dans des luttes contre l’Etat, ou des réalisations particulières menées démocratiquement – comme, par exemple, les "communs" –, mais qu’il vise, de manière non violente, quoique déterminée, et en prolongement des manifestations du peuple, lui-même, à changer la société, par conquête des pouvoirs de gouvernement, i.e. par réappropriation de l’Etat.
Le nouveau parti PODEMOS qui en est l’acteur au stade électoral, a définit, en six objectifs, un programme pour résoudre les difficiles problèmes qui se posent au peuple espagnol et pour transformer l’Espagne, en transformant l’Europe, selon un idéal démocratique prioritaire, que symbolise et souligne le leitmotiv :
"CONSTRUIR LA DEMOCRACIA"
figure en tête de chacun de ses chapitres.
Les analogies et convergences sont importantes, entre les mesures envisagées et celles qui sont présentées, ici, dans le Thème : « Changer les démocraties ».
Si la quasi-totalité des partis dits de gauche social-démocrate des pays occidentaux, en restent à une conception oligarchique des Etats de Droit qu’ils appellent démocraties représentatives, il apparait que les fondateurs de PODEMOS et les nombreux contributeurs à l’élaboration participative de son programme, partagent cette conclusion, induite par tous les échecs antérieurs des Gauches, sous toutes leurs formes : "l’avenir de la Gauche (est) de retrouver l’esprit qui animait ses valeurs fondatrices, à travers la défense du peuple, en recentrant ses projets de réforme sur la réalisation de la démocratie la plus avancée possible, par nature égalitariste et partageuse".