Athènes et Babylone
Lundi 31 août 2015, par ,
Notre actuelle ministre de l’éducation nationale qui semble ne pas savoir exactement de ce dont il s’agit aidée par des hurluberlus de son ministère a décidé de réformer les programmes scolaires. Premières victimes l’histoire et la géographie. Pourquoi pas, pour ce que ça sert et dans la foulée, supprimer l’enseignement du latin et du grec ?
C’est oublier qu’un peuple ce ne sont pas des dates : 498, 1515, 1815 signifient peu de choses, des accidents. Par contre un peuple ce sont des évolutions, des révolutions, une pensée, des populations, des enracinements. Pour nous ce sont les Lumières, la Révolution, la Commune, 1905, le programme du CNR. Vouloir gommer tout ça au profit d’une repentance généralisée n’a aucun sens. Oui, nous avons eu la bêtise d’annexer l’Algérie ; est-ce une raison pour s’en excuser ? C’est oublier que pendant des siècles les corsaires barbaresques, mais qui venaient néanmoins d’Alger, ont pillé, réduit en esclavage, pendant des siècles les côtes du Languedoc et de la Provence et que les arabes ont été présents sur notre sol pendant plusieurs dizaines d’années jusqu’à Autun. Dire que l’islam est une religion ancienne en France parce que c’était la religion dominante de trois départements français outre Méditerranée, revient à dire que l’Algérie était française, ce qu’elle n’a jamais été. Des rêveurs l’ont cru à tort mais reprendre ce thème c’est faire l’apologie de Jean Marie Le Pen sur sa barricade à Alger.
Il en est de même pour l’esclavage. C’est en effet une honte que la France ait pu se joindre aux autres nations qui s’enrichissaient de ce commerce infâme. Nous l’avons publiquement regretté, mais cela vaut-il une repentance éternelle qui n’effacera rien. D’autant qu’en matière d’esclavage et sans remonter aux grecs ou aux romains et à d’autres, les arabes ont été d’immenses esclavagistes au fil des siècles et à eux on ne dit rien, comme si la chose était normale. On passe également sous silence que les esclaves étaient vendus aux européens par les rois noirs de la côte puisque jusqu’au XIX siècle les trafiquants européens ne se hasardaient pas à l’intérieur de l’Afrique , laissant aux potentats locaux le soin de vendre des prisonniers de guerre ou leurs propres sujets accusés délits plus ou moins imaginaires. Dans tous ces cas l’Histoire est travestie.
L’histoire c’est autre chose même et surtout parfois quand elle est ancienne.
On parle des Grecs et on les fustige pour leur incapacité ou à leur mauvaise volonté à suivre les diktats de Bruxelles. Relisez Homère, Xénophon et Thucydide. Tout y est dit. Les grecs sont des commerçants, très bons, des marins, très bons et des guerriers, très bons aussi quand cela est nécessaire, mais aussi des rusés.
Qui est Ulysse ? Un guerrier et un marin, intelligent de surcroît. Il arrive à l’île des Cyclopes. Lui et les siens ont faim. Ils tuent quelques brebis de Polyphème qui n’est pas content et veut les manger. Ulysse l’enivre, lui crève son œil unique et s’en va avec les brebis restantes. Ca ne vous rappelle rien ? Les grecs empruntent à tout va ? Qui les en a empêche ? L’Europe du capital, qu’on nous a imposé, a regardé faire ; tous se sont frotté les mains à propos de intérêts qui allaient tomber. Mais les grecs ne remboursent pas. Il y a un nouveau Premier Ministre d’un côté, une chancelière et une troïka de l’autre : qui va gagner ? Ulysse sans doute avec un habile référendum et il quittera l’Europe ou pas ou on le retiendra. Et derrière lui ? Les anglais qui ont des doutes, les irlandais qui déjà n’étaient pas fanas, les hollandais qui ont déjà dit non, et pourquoi pas les français qui avaient voté contre un projet constitutionnel qui ne leur disait rien qui vaille et que des gouvernants de rencontre suivis par leurs successeurs leur ont imposé contre leur volonté, mais la volonté d’un peuple est-ce que ça compte ? Alors la chancelière est furieuse : que faire ? Ulysse a finalement gagné contre Polyphème. Après il a eu des aventures mais a fini par rentrer chez lui. Les dix mille de l’Anabase ont aussi souffert mais sont rentrés chez eux. L’invasion de la Sicile, la guerre du Péloponèse, la trahison d’Alcibiade, tout ceci n’a pas été brillant mais Athènes est restée ; Athènes et sa civilisation a dominé le monde romain et à qui nous devons tant. « Temeo Danaos et dona ferentes », disait-on : « Crains le grec et ses cadeaux empoisonnés », on devrait s’en souvenir. ? Qui connaît l’histoire ?
On nous a imposé une Europe, celle des marchands, du capital, des banques. Pas celle des peuples.On n’a pas voulu l’unifier économiquement, socialement, on n’ a pas voulu un gouvernement pour tous comme aux Etats Unis. Les grecs étaient libre d’emprunter ils l’ont fait, personne ne les en a empêché, un ministre européen unique pour les finances l’aurait sans doute fait. De quoi se plaint-on ? Si la France quitte l’Europe sa monnaie sera dévaluée de 30 % dit Cassandre. Depuis la Libération et même avant la France a vécu d’inflations et de dévaluations a-t-on été plus malheureux ? En 73/74 : 31 % d’inflation ! Les salaires ont suivi vaille que vaille et surtout le poids des emprunts a baissé libérant du pouvoir d’achat. La stabilité de la monnaie est tout ce qu’on veut sauf une religion.
Mais Polyphème et ses frères veulent humilier la Grèce et son peuple et s’y emploient. Et puis il y a les jean-foutres bien pensants de la Commission européenne, du Parlement européen, de la BCE, du FMI qui veulent de l’argent, toujours plus, pour les dividendes, les profits et témoigner ainsi de leur excellente gestion et que leur importe la misère d’un peuple. Et puis il y a Astérix qui voudrait bien que ça s’arrange mollement comme il en a l’habitude, lui que la presse espagnole appelle aimablement « le pigeon » et qui peut-être craint d’être le prochain qu’on tirera. Et puis il y a l’ours du nord qui aimerait bien attirer les abeilles grecques parce que le miel de l’Hymettte lui a jadis échappé et aujourd’hui avec du pétrole pas cher, hein.. Et puis il y a des privatisations en vue ; quel bon moyen pour les bons apôtres qui ont mis la Grèce à genoux de récupérer à bas prix ce qui deviendra un merveilleux investissement. Et puis l’Europe n’a plus de colonies et les réprouve, mais un protectorat pourquoi pas, c’est plus présentable d’autant que l’exploitation du peuple restera la même. Et avec tout ça pourvu que les grecs ne regrettent pas la domination ottomane.
Et puis il y a la guerre au Moyen Orient. Des fous tuent et massacrent au nom de l’islam. On bombarde soit, les armées locales sont peu motivées. Alors ?
Alors il y a une vérité ancienne, oubliée bien sûr. Il y a 2500 ans il y avait deux puissants empires : le romain et le chinois. Entre les deux il y eut l’empire Assyrien puis Mède, Babylonien, Perse, Parthe ; tout cela tourne autour de l’Iran actuel. Empires tampon entre les romains et les chinois, tous contrôlaient, avec des péripéties et sans douceur souvent, le Moyen Orient de l’Asie Mineure à l’Afganistan. Ces empires ont résisté aux romains et il a fallu Gengis Khan pour mettre temporairement de l’ordre, enfin son ordre.
Au lieu de cela on a puni l’Iran qui avait bien sûr quelques torts, on l’a humilié, sans se douter que c’était probablement le seul Etat qui pouvait intervenir sinon à bon droit , du moins au nom du passé qui est le sien. Sans doute intervient-il en Syrie pour défendre les chiites mais prudemment. Laissé libre, reconnu et aidé il mettrait sans doute de l’ordre dans ce Moyen Orient dont finalement nous ne savons que faire et que lui connaît bien. Mais le Président des Etats Unis et ses confrères ne connaissent visiblement pas l’histoire encore que ça paraisse changer. Les ennemis de mes ennemis sont mes amis, c’est vieux comme le monde, le sait-on encore ?
Bien sûr que l’histoire ne sert à rien sinon à s’épargner quelques erreurs, faut-il encore savoir qu’elles ont existé et qu’elles existent encore. Mais que faire avec des analphabètes ?
Jacques Lafouge