Baccalauréat : passe ton contrôle continu d'abord

Baccalauréat : passe ton contrôle continu d’abord

Samedi 17 février 2018, par Loïck Gourdon, Tribune libre

Le ministre de l’Éducation nationale Jean Michel Blanquer vient de confirmer les orientations du rapport Mathiot sur la réforme du Bac. Sous couvert de remettre les enseignants dans les classes en fin d’année scolaire pendant le temps consacré aux épreuves, et faire de substantielles économies, le nombre d’épreuves disciplinaires serait réduit à quatre.

Autrement dit les épreuves anonymes qui seules garantissent le caractère national du diplôme ne représenteraient plus que 60% du baccalauréat, le reste relevant du contrôle continu. Encore faut- il prendre en compte un « grand oral » qui bien sûr ne présente pas la garantie de l’anonymat.

Mais au-delà de la « réforme » du bac, la suppression des séries L (littéraire), S (scientifiques), ES (économiques et sociales) qui reposent sur des horaires, des programmes, des épreuves identiques sur le territoire national il s’agit de la casse du Lycée tel que nous le connaissons. À la part (considérablement réduite) d’enseignements communs s’ajouteront des enseignements « d’approfondissement » et de « complément », dites « majeures » et « mineures », orchestrées localement, puisque chaque conseil d’administration pourra faire ses propres choix. Après le « Lycée light » des années Allègre voici le Lycée à la carte décentralisé. À la carte scolaire ? Outre l’intrusion des « partenaires de la communauté éducative » dans le choix des programmes on comprend bien qu’il sera dans l’esprit public difficile d’admettre que le « Bac Jeanson de Sailly » est l’équivalent du « Bac Bobigny », d’autant que l’on organise la mise en concurrence des établissements scolaires. Autant dire que l’on a programmé la mort du baccalauréat, premier titre universitaire qui conditionne l’accès à l’Université pour le transformer en un certificat de fin d’études secondaires maison, ces universités elles mêmes livrées à un combat à armes inégales à la concurrence avec des « pôles d’excellence ». Valérie Pécresse a institué la cotation des universités, un pas de plus vers le grand marché international de l’Éducation.

Comme chez les anglo-saxons, à l’évaluation des connaissances sera substituée l’évaluation des compétences, « compétences rechargeables » c’est-à-dire précaires. Ces compétences seront le fondement de l’employabilité et non plus le diplôme garanti par le Ministère de l’Éducation nationale et reconnu par les employeurs. C’est donc le patronat qui aura le dernier mot. En brisant le lien entre la reconnaissance des diplômes et des qualifications on s’en prend directement aux conventions collectives garanties par les accords de branche et par là même aux protections statutaires des salariés.

Ajoutons à cela la suppression massive de postes statutaires, les titulaires étant remplacés par des contractuels – parfois recrutés à partir d’annonces du Bon coin – tant se sont dégradées dans toute la fonction publique, les conditions d’exercice et de rémunération de la fonction enseignante.

La réforme de l’apprentissage procède de la même vision politique néolibérale. Le gouvernement considère qu’il faut mettre fin à la « logique administrative qui a prévalu jusqu’à présent ». À l’avenir un centre de formation des apprentis (CFA) pourra ouvrir sans requérir l’imprimatur des Conseils régionaux ou de l’État, le but étant de répondre plus promptement aux compétences définies par les patrons. Cette libéralisation réclamée de longue date par les instances nationales du MEDEF inquiète les Régions qui redoutent que les CFA nouvellement créés n’entrent en concurrence avec les Lycées Professionnels situés à proximité et proposant des cursus similaires. Le principe de libre création des CFA est bien inscrit au cœur de la réforme.

Tout s’enchaîne : la casse du Lycée et des diplômes nationaux, la réforme de l’apprentissage sont la suite de la destruction du Code du travail et par là même des conventions collectives. Loin de la convergence des luttes, nous assistons à la convergence des attaques contre les acquis de la Révolution française, mais aussi ceux de 1905, 1936, 1945. Il s’agit bien d’une attaque frontale, à la Thatcher, de l’oligarchie européenne, orchestrée par le MEDEF via les institutions européennes, voire la CES, courroie de transmission du capital.

Les droits à l’instruction ont été acquis dans le cadre national. Ce n’est pas en broyant les spécificités nationales qu’on va vers plus d’internationalisme. C’est au peuple tout entier, salariés du privé, du public, étudiants, lycéens, de se mobiliser contre ce qu’il faut bien appeler une contre révolution, contre la dictature du grand patronat, proconsul de l’empire européen. Il incombe aux peuples de reconquérir leur souveraineté partout menacée, depuis l’Argentine de Macri, le Canada de Justin Trudeau, l’Australie de Turnball, la France de Macron, partout les mêmes « administrateurs liquidateurs », en bons « collabos » ont usurpé la place des hommes d’État, élus en théorie pour garantir des intérêts nationaux, mais qui, dans la réalité servent les intérêts ultra-minoritaires de l’oligarchie financière mondialisée.

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