Réponse à l'article de la directrice des concours de l'ENA

Réponse à l’article de la directrice des concours de l’ENA

Mardi 1er mai 2018, par Charles Cala, Tribune libre

Voici une nouvelle réaction aux déclarations du jury de l’ENA.

D’abord le gouvernement, par la réorganisation des règles de finances locales apparemment faites dans un but d’économies, a en réalité aussi limité la liberté des collectivités. Ensuite il a repris en main de la formation professionnelle. Et enfin il utilise la réforme du droit du travail des cheminots pour casser l’idée, pourtant oh combien libérale, d’économie mixte c’est-à-dire alliant économie de marché et économie publique. C’est pourquoi, on peut légitimement craindre que l’attaque contre l’ENA, venue non pas d’un quelconque groupe d’opposants mais de la directrice du jury, ne soit le préalable à une offensive généralisée contre la fonction publique en commençant démagogiquement par le sommet.

En prenant le problème comme réglé par la disparition de l’ENA, comme nous ne tomberons pas dans l’utopie anarchisante, il faudra bien désigner des remplaçants à nos hauts fonctionnaires.

Soit on peut rester dans une structure équivalente d’organisation de l’administration. C’est ce qui s’est passé à La Poste, le corps des administrateurs des P&T, formés dans un cursus passant par l’ENA, et formant un corps homologue à celui des administrateurs civils, lequel forme le gros des débouchés pour les élèves de l’ENA, a été supprimé par le gouvernement Jospin. Pour répondre aux remarques de la présidente du jury de l’ENA, leurs successeurs, issus de grandes écoles de gestion, n’ont pas fait preuve d’un anticonformisme éclatant.

On peut aussi imaginer que le travail administratif soit confié à des cabinets spécialisés, travaillant sur contrat au coup par coup, selon le modèle des organismes européens ou assez fréquemment aux Etats-Unis. Je ne pense pas qu’il s’agisse là du meilleur modèle d’organisation possible.

Il faudra dans les deux cas faire appel à des cadres formés dans des grandes écoles dont le mode de fonctionnement, et les critères de recrutement sont similaires à ceux de l’ENA. A première approche, d’après ce qu’en dit François Dupuy, ancien enseignant à l’INSEAD (voir annexe), il n’est pas sur qu’il s’agit forcément du recrutement des plus adaptés aux fonctions.

Quant à l’ENA proprement dite, il est bon de constater que le recrutement sur concours n’est pas une recherche de l’imagination créative chez les candidats. Ils sont destinés à être les serviteurs de la République pas ses dirigeants. Ces derniers sont les élus ce sont eux qui devraient faire preuve d’imagination et de créativité.

C’est pourquoi les paroles de la directrice du jury me posent problèmes. Je ne lui ferais pas l’injure de croire qu’elle ne sait pas la différence entre la sphère de l’activité politique et la sphère de l’activité administrative, aussi sa remarque indiquerait-elle, que comme le souhaite un courant de pensée, auquel a participé P. Rosanvallon, donner plus de place aux « experts » au détriment des élus, voir à marginaliser ces derniers ?

Je pense qu’en cette période préalable à un remaniement constitutionnel qui semble réduire le pouvoir parlementaire une réflexion dans ce sens soit nécessaire.