Affaire Benalla : Vers la violence
Jeudi 16 août 2018, par ,
Nous aurions tort de sous-estimer l’affaire Benalla.
Nous aurions tort de ne pas y voir une méthode de gouvernement, qui certes existe depuis longtemps déjà, en particulier depuis les lois d’urgence de 2015, mais qu’Emmanuel Macron utilise régulièrement.
Cette méthode, disons-le tout net, n’hésite pas à recourir à la violence pour réprimer le mouvement social afin d’imposer à la majorité l’austérité avec son cortège de privatisations, de baisse des pensions, de réduction des dépense publiques ... tout en subventionnant les entreprises avec notre argent pour le CICE, le pacte de responsabilité ... bref pour imposer le "pur capitalisme" à une société française qui n’en veut pas mais dont c’est la raison d’être de Macron, très loin du christianisme du chanoine de Latran ou de Paul Ricœur.
Car Benalla est bel et bien un nervi, un homme de main de l’ombre, choisi par Emmanuel Macron pour le servir dans une espèce de cabinet privé de sécurité, et qu’il rétribue grassement ( logement de fonction princier, lieutenant-colonel à 26 ans, 10 000 euros par mois semble-t-il, voiture avec chauffeur, port d’arme et j’en passe ).
Je m’étais toujours demandé pourquoi Macron avait choisi un véhicule blindé pour sa descente des Champs Elysées lors de son intronisation au poste de président de la République.
Je crois dorénavant avoir la réponse : Emmanuel Macron aime la violence, il aime imposer, il aime ordonner, il aime qu’on lui obéisse, c’est un aspect de sa psychologie qui ressort aussi quand il gueule dans les meetings, quand il use et abuse des ordonnances, quand il vire le général De Villiers qui avait eu le tort de contester sa politique devant la représentation nationale, excusez du peu. Cela illustre bien, notons le au passage, le mépris de Macron pour le Parlement, mépris que sa majorité LREM ( mais pas que ) semble d’ailleurs bien mérité tant elle est soumise au prince.
Donc, Benalla s’est rendu place de la Contrescarpe pour faire le coup de poing contre de jeunes manifestants réunis en ce jour de fête du travail.
Il est difficile de ne pas se rappeler l’origine du 1er mai, ces journées entre le 1er et le 4 mai 1886 à Chicago, où la police a tiré dans le tas des ouvriers en grève qui manifestaient pour la journée de huit heures. Il n’est pas possible de ne pas faire le lien avec le rôle joué, semble-t-il, par l’agence privée Pinkerton dont les agents ont mitraillé des grévistes en 1892 à Homestead, agents présents à Chicago, auxiliaires occultes de la police.
Bien sûr, entre l’affaire Benalla et l’utilisation des hommes de main de Chicago, il y a un monde. Mais s’il y a un fossé qu’il serait imprudent de franchir, il y a bel et bien une logique : l’affaire Benalla s’inscrit dans un ensemble de "bavures" policières, elle révèle des pratiques de copinage entre la sécurité privée du président et la police, l’homme de main jouissant d’un "statut élyséen" d’après les propos d’un policier entendu à la radio.
Cet usage de la violence élyséenne, trait psychique de son chef, se déploie d’autant mieux que le président de la république jouit d’une impunité tout à fait intolérable ; il est totalement irresponsable ( et là, on se délecte de la multiplicité du sens de ce mot ), il bénéficie d’un statut exorbitant, proprement odieux dans une démocratie.
Cette affaire révèle autre chose : le capitalisme, pour s’imposer, n’hésite pas à recourir à la violence, même dans nos soi-disant démocraties. Rappelons nous le rôle de l’économiste Milton Friedman auprès d’Augusto Pinochet au Chili. Ceux qui croient que capitalisme et démocratie fonctionnent ensemble se trompent lourdement. Quand le mensonge ne suffit plus, cette violence est l’ultime recours que ses promoteurs n’hésiteront pas à emprunter.
Si nous ne voulons pas de cet avenir-là, il faut en casser la raison et l’outil : rompre avec le capitalisme et rompre avec l’irresponsabilité des dirigeants. Et vite ...