Merci, mais non ! ………….. à tous ceux qui ont décidé d’être nos guides !
Mercredi 20 mai 2020, par ,
Dialogue entre André Bellon et Hugues Debotte, par les questions de Jean-Pierre Crépin (http://necronomie.blogsmarketing.adetem.org/)
JPC – Michel Onfray vient de créer un forum intitulé « le front populaire ». Fondement : la souveraineté. C’est large. Le but est de s’opposer à la pensée qui pèse depuis des décennies sur les peuples de l’Union européenne. Qu’en penser ?
AB - Tout d’abord, remarquons que la souveraineté, c’est d’abord la réaffirmation du citoyen, être politique libre et responsable qui n’attend pas après tel ou tel guide. C’est aussi la reconstitution du peuple en tant que corps politique justement souverain. Ce processus ne demande pas de sauveurs, de chefs, à l’instant où nous sommes. Il y a une contradiction fondamentale entre le projet de souveraineté et l’autoproclamation de ceux qui veulent l’incarner a priori. La représentation ne peut se décider qu’après. La chose est d’autant plus essentielle à rappeler qu’on peut sentir poindre aujourd’hui, dans pas mal d’initiatives, le parfum de la prochaine élection présidentielle. Je reste, pour ma part, sur le slogan que nous avions proposé lors de la précédente, à savoir « Non à l’élection présidentielle, oui à l’élection d’une Constituante ».
HD – Dans sa vidéo de « justification » (https://www.youtube.com/watch?v=8kQ3ldbMScE), Michel Onfray se compare à un « médecin généraliste » et entre par une porte spéciale : la liberté de la presse, d’où le fait que « Front Populaire » est présenté comme une revue cybernétique. Je me demande quel statut il se donne : philosophe ? Médecin ? Journaliste ? Le nouveau Jean Jaurès ? Quant à son insistance sur le « Ghana » avec cette mimique faciale réitérée, cela mérite un éclaircissement. Est-ce une réminiscence colonialiste ? Sur la démarche en elle-même, qu’est-ce que De Villiers, Chevènement, et de Castelnau ont en commun ? Vouloir reconstruire la pensée « par le haut » ? Est-ce un nouveau club , un « Front Populaire » sans Peuple ? Internet est un outil très utile pour devenir acteur. En faire l’alpha et l’oméga de la relation entre citoyennes et citoyens ne remplacera jamais le lien humain dans la vie réelle, où doit absolument se trouver le débat pour casser la « distanciation sociale » que le pouvoir veut nous imposer comme une nouvelle habitude intrinsèque sociale.
JPC - Nombre d’appels successifs donnent les réponses avant que le débat collectif ait lieu : recréation de la vraie gauche, de la vraie droite, de ceci ou cela. Où est la vraie recherche d’autre chose ?
AB - Il y a en ce moment abondance de textes. Certains sont des analyses et cela est bon car la période demande débat, contradiction. D’autres sont des appels à rejoindre une démarche politique qui ne dit pas toujours son nom. La chose n’est pas neuve même si la méthode diffère. En 2007, certains nous proposaient un candidat avant même d’avoir élaboré un programme. Aujourd’hui, d’autres prétendent construire un programme en attendant que cela fasse émerger un candidat issu de leur club. Toutes ces démarches mettent la charrue avant les bœufs, restant enfermées dans un jeu institutionnel qui est en réalité le problème. Tant qu’on ne voudra pas poser la question des institutions et du rôle effectif du peuple, toutes ces tentatives seront stériles.
HD – A vrai dire, tout ceci est assez « gribouille ». Que cela traduise une volonté de réveil et d’éveil, cela ne serait pas surprenant : la nature déteste le vide, et depuis 2017, il faut dire qu’on est rasé gratis en permanence. Par contre, cela ne remplacera jamais l’émancipation individuelle, l’éducation populaire pour cette émancipation, le municipalisme libertaire, le refus du paradigme de domination, le contrôle direct par le Peuple. J’ai vu passer une « invitation » à se fédérer, posée par des personnes peu connues et cela me semble bien plus adéquat : gardons nos spécificités, nos particularités, nos autonomies, et « organisons-nous », comme l’incante Adeline de Lépinay dans son manuel pratique du même nom.
JPC - La souveraineté est néanmoins une question.
AB – Certes. C’est même sans doute la question fondamentale. Mais doit-elle venir du Président ou des citoyens, en particulier à partir des communes ? La lier à la présidentielle ferme le débat en même temps que ça l’empêche. Le peuple doit retrouver sa souveraineté par lui-même, d’où l’élection de l’Assemblée Constituante. Dans l’Histoire de France, ce sont souvent les grands mouvements démocratiques et collectifs qui ont permis de dénouer les crises. La mobilisation populaire a conduit, en particulier, à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, à l’abolition des privilèges et à l’instauration de la République et du suffrage universel.
HD – J’ai la fâcheuse tendance « vieux jeu » à préférer un dictionnaire, consulter l’étymologie et l’histoire des mots, ainsi que de me pencher sur l’Histoire, que de rentrer tête baissée dans une discussion d’un réseau social où tout le monde veut absolument montrer son visage, au lieu de se rencontrer en réel pour discuter. Or « Souveraineté », basiquement, c’est l’autorité suprême, et par extension en terme plus simple « le pouvoir de décider son propre destin ». Dans le cas de la démocratie – qui en est le domaine le plus fréquent d’application -, il est évident que ce n’est pas à partir d’une élite ou une échelle nationale que cela peut se constituer. D’ailleurs « constituer », c’est « organiser », « concourir à former avec d’autres ». Donc, cela n’a son efficacité que par un travail constitutif à l’échelle du village et du quartier. Autrement, c’est du bidouillage, de la tambouille entre gens sans légitimité.