Bonjour tristesse !
Mardi 27 avril 2021, par
Plus ça va et moins on s’amuse. Il faut dire qu’il n’y a pas vraiment de raison. Entre la Covid, le chômage, les tensions internationales, les défis climatiques, rien ne nous conduit a priori à la franche rigolade.
Si Rabelais revenait aujourd’hui, lui qui expliquait que le rire est le propre de l’homme, il serait immédiatement enfermé pour offense aux bonnes mœurs. Le rire, la moquerie sont devenus des infractions. De petits commissaires politiques, se prenant pour des génies, traquent en permanence la moindre déviance. Une nouvelle morale s’est répandue à côté de laquelle les inquisiteurs d’autrefois font figure de petits bras tant se répand l’envie de remettre son voisin au pas.
Se moquer a toujours fait partie des traditions françaises. Et la réplique nécessaire ne se traitait pas systématiquement devant les tribunaux, mais dans la société qui créait l’espace nécessaire aux échanges les plus vifs et, en général, savait comment s’en accommoder et comment les trancher. Le recours au judiciaire n’intervenait que dans des cas graves.
Cette nouvelle mode vient des États-Unis et correspond plus à la tradition de l’Europe du Nord qu’à celle des pays latins. A Marseille, traiterait-on Annie Cordy de raciste parce qu’elle a chanté « Chaud le Cacao » ? Sommes-nous en train de changer de société, de mettre la tristesse au premier rang des objectifs sociaux et des prédicateurs de morosité sur le devant de scène ? Sommes-nous en train de changer d’Histoire ? On peut le craindre en entendant Macron exprimer, sur la chaine de télévision américaine, CBS News, le dimanche 18 avril, sa volonté de réécrire lui-même l’Histoire de France. Le mot employé par lui, « déconstruire », fait en fait écho à la philosophie post humaniste qui, justement s’oppose à nos relations sociales.
Notons au passage que le Président français a choisi d’exprimer sa critique de la France sur un média étranger, ce qui n’est pas l’usage, c’est le moins qu’on puisse dire. Il prolonge ainsi l’action de journaux tels que le New York Times qui fait ses unes contre la France. Il se situe dans un débat tardif contre la colonisation, moment historique certes critiquable, mais qui avait été condamné par d’autres bien avant lui. On connait tous le discours américain comme quoi les États-Unis n’ont jamais eu de colonies. Bornons-nous à dire que la chose est plus que contestable au vu de leur attitude vis-à-vis des anciennes possessions espagnoles et surtout du fait que les États-Unis sont eux-mêmes une colonie. La différence est qu’ils ont tué les habitants précédents.
Il n’y a plus de rire parce qu’il n’y a plus de débat. Tout est formaté, codifié et la pensée ne sert plus à se libérer. Elle doit être conforme. C’est pourquoi le combat pour retrouver l’humour, le rire, est nécessaire à la libération.