Voyage en absurdie

Voyage en absurdie

Lundi 29 novembre 2021, par Pascal Geiger

Les grandes manœuvres se développent autour des élections à venir. Mais si les réactions sont heureusement nombreuses autour de la présidentielle, bien peu évoquent les élections législatives qui les suivront. Pascal Geiger donne ci-dessous son avis.

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La peur de la contamination virale est un frein notoire au plaisir de voyager. C’est un fait avéré.

Pour autant, il existe des destinations…imaginaires qui, tout en préservant la santé physique (pour ce qui est de la santé mentale rien n’est moins sûr) de l’intrépide s’y aventurant, réservent des moments non de quiétude ou d’émerveillement mais de franche rigolade.

Il en est ainsi des voyages ou plutôt de ces digressions intellectuelles qui tentent de vous faire prendre des vessies pour des lanternes.

Récemment, je suis tombé sur un papier (1) qui se vantait de démontrer que les « élections législatives sont beaucoup plus ouvertes que l’élection présidentielle. Au point, même, de donner une majorité de députés hostiles à Macron. Des candidats "constituants" pourraient contribuer à une nouvelle cohabitation, donnant le pouvoir à un Premier ministre opposé à Macron, privant ce dernier de l’essentiel de ses pouvoirs ».

L’idée développée par l’auteur est qu’en mobilisant les abstentionnistes d’hier pour élire des députés « constituants » ceux-ci seraient suffisamment nombreux et vaillants pour obliger le futur président (E. Macron pour l’auteur) à nommer, à la tête de son gouvernement, une « tête de gondole » assez puissante pour réduire à un quasi-silence le miraculé de la présidentielle.

La panne faîtière de cette conviction est que le désamour des Françaises et des Français pour la chose politique telle qu’elle est menée depuis le début de l’actuel quinquennat ne peut être inversé que par l’instauration d’une cohabitation d’un type nouveau, atypique (sic) venant affaiblir le pouvoir présidentiel permettant ainsi de reconstruire les bases de la nation (re sic).

Fichtre !

Mais, soyons sérieux un instant.

« Changer les bases de la Nation » passe, nécessairement, par une refonte, une réécriture pleine et entière de la Constitution.

Or, la Constitution actuelle, celle de 1958 – qui, soit dit en passant sera toujours en vigueur à l’issue des prochaines législatives – posent, dans ses articles 11, 54 et 89, les mécanismes incontournables d’une révision constitutionnelle.

Ainsi, si l’initiative de cette révision appartient au président de la République (sur proposition du Premier Ministre) et/ou aux parlementaires, la pratique de la 5ème a souvent montré que la proposition du Premier Ministre était d’inspiration présidentielle et que celles émanant des parlementaires atteignaient rarement le stade du vote par les deux assemblées.

Autrement dit, élire des députés « constituants » capables d’inverser le cours constitutionnel actuel est le type même de la fausse bonne idée.

La 5ème République perdurera à l’insu de leur plein gré. Pire, les ors de la République troubleront leurs idéaux en instillant dans leur ambition la dopamine du pouvoir.

Boycotter l’élection présidentielle pour s’investir dans les législatives est un non-sens, une absurdité sans nom. C’est finalement vouloir remplacer un homme providentiel (le Président) par un artefact - souhaité tout aussi providentiel - (le Premier Ministre) que l’on espèrerait capable de priver le premier de l’essentiel de ses pouvoirs.

Tenir de tels propos, c’est véritablement méconnaître la force de la Constitution de 1958 ; c’est ignorer que celle-ci, par son article 19 permet au Président de disposer de véritables prérogatives lui permettant d’assurer, seul s’il le faut, les principales missions que lui confie l’article 5 de ladite constitution.

Albert Einstein affirmait, non sans raison, qu’un problème créé ne peut être résolu en réfléchissant de la même manière qu’il a été créée.

De même, une refonte globale de la Constitution ne peut être mené par un pouvoir politique en place. Un nouveau contrat social ne peut être que l’expression du pouvoir constituant originaire c’est à dire le Peuple.

Élections présidentielle et législative : NON ; élection d’une Assemblée constituante : OUI.

(1) https://la-dynamique.fr/cohabitation-en-2022-pourquoi-pas/

Pascal Geiger

Novembre 2021