La question ne sera pas posée

La question ne sera pas posée

Jeudi 1er juin 2023, par André Bellon

"La loi retraites ne sera pas votée". Ainsi donc par une énième manœuvre de procédure en commission des affaires sociales, le gouvernement Macron s’obstine à empêcher le vote de l’Assemblée nationale sur la loi retraites. Ce mauvais comique de répétition évoque la réponse pavlovienne du président du tribunal qui jugea Emile Zola pour son « J’accuse » en 1898. Il balayait chaque argument mettant en cause la version officielle d’un « La question ne sera pas posée ». En faisant cette analogie, nous ne faisons bien sûr aucune relation de fond entre ces deux évènements. Mais nous montrons le parallèle dans les méthodes, dans l’obstination, dans le refus de tout débat. Nous voulons montrer du doigt à quel point la principale victime de ces méthodes est la démocratie.

Alain Supiot, ancien professeur au Collège de France, analyse, dans Le Monde du 15 mars, les conséquences dramatiques de cette évolution des pratiques parlementaires. L’utilisation de ce « prêt-à-penser, explique-t-il, justifie par avance le happy end de la réforme des retraites, qui ne pourrait être que la victoire du bien démocratique sur le mal anarchique ».

Certes, chacune des méthodes utilisées par le gouvernement peut être considérée comme légale, conforme à la Constitution, même alors que le gouvernement tente de s’arroger ainsi le droit de juger de la constitutionnalité. Mais l’accumulation de ces artifices (articles 40,47-1,49-3,…) dans le but unique d’empêcher le vote d’une loi est-elle légitime au sens des principes mêmes de la démocratie ? Le déferlement des commentaires sur les médias et les réseaux sociaux, plus marqués par la soumission que par une réflexion quelconque, est-il digne d’un débat digne et raisonné, fondement de la démocratie ? Les affirmations péremptoires de la première ministre et de la Présidente de l’Assemblée sur la constitutionnalité des propositions de l’opposition ne sont que des tentatives d’intimidation qui dépassent leurs responsabilités institutionnelles. Les porte-paroles d’Emmanuel Macron sont en train de remplacer le débat par l’arbitraire, non seulement pour affirmer leur pouvoir, mais aussi pour empêcher le débat lui-même.

Non, la question ne sera pas posée sur les retraites mais celle de la crise de régime va s’imposer.

"Cet article a été publié sur la revue politique et parlementaire par le lien https://www.revuepolitique.fr/la-question-ne-sera-pas-posee/"

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