POUR UNE DÉMOCRATIE « NORMALE »

POUR UNE DÉMOCRATIE « NORMALE »

Jeudi 16 mai 2013, par Claude Grellard

Nous souhaitons que le débat s’amplifie autour de ce que devraient être des institutions réellement démocratiques. Claude Grellard, responsable du cercle de Tours, donne ainsi des points de vue qui doivent alimenter les échanges

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POUR UNE DÉMOCRATIE « NORMALE »

« Je voudrais tenter d’appliquer à la politique la méthode éprouvée en physique, qui consiste à renouveler radicalement son point de vue. »

Max BORN

INTRODUCTION

La démocratie est une machine à faire du neuf avec du vieux.
En 1762, Jean-Jacques Rousseau nous avait prévenus : « A prendre le terme dans la rigueur de l’acception, il n’a jamais existé de véritable démocratie, et il n’en existera jamais. Il est contre l’ordre naturel que le grand nombre gouverne et que le petit soit gouverné. »
Sur les 193 Etats membres de l’Organisation des Nations Unies (« le machin qu’on appelle l’ONU », comme disait le général de Gaulle), en 2011 on comptait seulement 88 démocraties. Dans le système de classement des Etats suivant leur indice démocratique, les deux tiers des démocraties étaient jugées imparfaites, dont la France, qui, sur la fin du gouvernement Sarkozy s’est trouvée rétrogradée en 29ème position.

Chaque génération, quand vient son heure, se trouve mise devant le fait accompli, obligée de s’accommoder des institutions mises en place par ceux qui l’ont précédée, quitte, de temps en temps, à s’efforcer de réparer les textes.

Parmi la quinzaine de constitutions dont la France a fait l’expérience depuis 1789, aucune jusqu’ici n’est parvenue à répondre convenablement au principe de la République.
De sorte qu’à défaut de pouvoir, ou de vouloir, se gouverner lui-même, le peuple préfère en laisser le soin à des professionnels, qu’il paye en conséquence ; pour finir par se satisfaire d’une sorte de monarchie républicaine doublée d’une aristocratie politique.
Nous ne sommes toujours pas sortis de l’Ancien Régime.

La première République française a duré dix ans, la deuxième quatre ans. Les deux ont cédé la place à un empereur. La troisième, en 1940, après soixante-cinq ans de bons et loyaux services a provisoirement été remplacée pendant quatre ans par un « Etat français » au nom d’une prétendue « révolution nationale ». Une fois rétablie, en 1945, elle a été aussitôt remplacée par une quatrième ; laquelle enfin, en 1958, à la faveur d’un coup de force militaire en Algérie, s’est trouvée renversée à son tour par une cinquième qui, par la suite, a pris la forme d’une monarchie républicaine.
Et c’est ainsi, après quinze siècles de monarchies, suivies pendant deux siècles encore par un chassé croisé de républiques, d’empires et de royautés, que le peuple français a fini par s’accommoder d’une forme hybride de gouvernement ; comme si, en dépit de son appétit pour la démocratie, il éprouvait quand même le besoin de se laisser conduire par un roi ou quelque chose de ce genre.
De sorte qu’il en est venu, tous les cinq ans, à se donner un Président ; comme on le fait en pharmacie pour choisir un médicament, d’après ce qui est marqué sur la boite, sans s’inquiéter des effets secondaires.


HISTOIRE D’UNE CONSTITUTION

On a dit que la guerre est une affaire trop grave pour la confier à des militaires. De même, pour écrire une constitution, est-il vraiment raisonnable de s’en remettre uniquement à des « spécialistes » ou à des « professionnels » de la politique pour qui le principe de la République n’est souvent qu’une convention grammaticale ? Dans une démocratie qui se respecte, avant d’établir une constitution, le moins qu’on puisse attendre de ceux qui se chargent de la rédiger est qu’ils accordent aux citoyens la possibilité d’en discuter les termes au sein d’assemblées locales préliminaires à la mise en place d’une Assemblée nationale constituante ; comme l’ont fait nos prédécesseurs, en 1789, avec les cahiers de doléances.

Ce qui, visiblement, n’a pas été le cas en 1958 pour la Constitution de la Sème République ; ni en 2005 pour la Constitution européenne. Est-ce à dire que la vingtaine de constitutions précédemment issues d’assemblées constituantes étaient, pour autant, bien meilleures ?

Évidemment non. Les institutions ne valent que par la façon de s’en servir.

Et le fait est que durant plus de cinquante ans, de 1958 à 2012, l’expérience a montré que la Constitution de la Sème République pouvait aussi bien se lire de gauche à droite que de droite à gauche. Malgré tous les défauts qu’on a pu lui trouver, les citoyens s’en sont toujours accommodés tant bien que mal ; y compris dans les situations les plus absurdes. Et c’est ainsi qu’en 2002 on a pu voir un candidat de droite élu à 82%, pour moitié grâce à des voix de gauche. Du reste, qu’ils se disent de droite, de gauche ou du centre, dans les neuf élections présidentielles qui se sont succédé depuis 1965, à aucun moment, les candidats n’ont jugé bon de remettre en cause le système qu’ils prétendaient administrer ; et moins encore que tous les autres ceux qui, en fin de compte, ont obtenu le poste.

Lors de chaque scrutin, en apposant leurs signatures sur le registre électoral, si les citoyens se prêtent au jeu qui leur est proposé, c’est bien qu’ils en acceptent les règles, telles qu’elles sont définies par la Constitution. En d’autres termes, ils ne font ainsi, chaque fois, implicitement, que renouveler le contrat conclu en 1958, confirmé par le référendum de 1962. Afin qu’ils en soient bien conscients, on pourrait imaginer, par exemple, en s’inspirant de l’article 56 de la Constitution norvégienne, que dans chaque bureau de vote, avant de procéder à l’ouverture du scrutin, il soit fait lecture de la Constitution par le maire de la commune ou par le président du bureau de vote.

La Sème République est, en principe, une démocratie où le peuple est souvent dispensé de donner son avis ; sauf de temps en temps quand, pour sauver les apparences, on l’invite à s’exprimer par le jeu d’élections, ou mieux, de référendums ouvrant sur des perspectives dont il n’a pas toujours les moyens de mesurer l’étendue ni la profondeur ; dans une sorte de tableau en trompe l’œil où le suffrage universel est utilisé comme un artifice fait pour lui donner l’illusion que c’est lui qui décide. A tel point qu’on a pu qualifier ce régime de « démocratie sans le peuple »

À la différence des textes constitutionnels élaborés en 1975 et en 1946 pour les précédentes Républiques la Constitution de la Sème n’est pas le fruit des travaux d’une Assemblée constituante élue à cet effet.

Confectionnée sur mesure, en grand secret, par un groupe d’experts, sans que les citoyens aient jamais eu la possibilité d’en discuter le contenu, elle a ainsi, dès l’origine, été placée en porte à faux avec le principe qu’elle affichait : « Gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple », qu’elle avait, d’ailleurs, emprunté à la précédente.

Mis pratiquement devant le fait accompli, les électeurs, consultés pour la forme le 28 septembre 1958, en ont cependant approuvé le texte à plus de 82% par le jeu d’un référendum. Compte tenu des circonstances, ils n’avaient pas vraiment le choix.

La Constitution de la Sème République a été mise en place en moins de quatre mois.

Le 1er juin 1958, quinze jours après le coup de force militaire du 13 mai en Algérie qui menaçait de conduire à une guerre civile, le général de Gaulle prend la direction du gouvernement en qualité de Président du Conseil.

Le 3 juin il obtient sans tarder, par 256 voix contre 30, le vote d’une loi constitutionnelle. Contrairement aux dispositions de l’article 90 de la Constitution en vigueur, définissant les délais qui permettent aux membres de l’Assemblée nationale d’examiner les textes, cette loi définissait les principes suivant lesquels le gouvernement se proposait de bâtir une nouvelle constitution.

Étant donné que d’après l’article 9 de la Constitution : « L’Assemblée nationale se réunit de plein droit en session ordinaire le premier mardi d’octobre », le Gouvernement se fixe alors pour objectif d’en avoir terminé avant cette date. Le 29 juillet il remet son projet au Comité consultatif constitutionnel. Entre temps, les travaux du comité d’experts qui sont en charge du projet, sous la direction de Michel Debré, n’auront fait l’objet d’aucun compte rendu. De même que resteront confidentielles les observations du Comité constitutionnel et du Conseil d’État formulées au cours du mois d’août.

Le 27 août, Michel Debré justifie devant le Conseil dÉtat que le texte proposé a bien été établi dans le respect des principes énoncés dans la loi constitutionnelle du 3 juin.

 Seul le suffrage universel est la source du pouvoir

 Le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent être effectivement séparés

 Le Gouvernement doit être responsable devant le Parlement

 L’autorité judiciaire doit demeurer indépendante

 La Constitution doit permettre d’organiser les rapports de la République avec les peuples qui lui sont associés.

Le 4 septembre, date anniversaire de la proclamation de la 3ème République en 1870, le général de Gaulle présente la nouvelle constitution au cours d’un grand rassemblement place de la République.

Le 28 septembre, le peuple français est invité à répondre à la question : « Approuvez-vous la Constitution qui vous est proposée par le Gouvernement de la République ? »

A cette époque, la France est encore un empire colonial dont la plus grande partie couvre à peu près un quart de l’Afrique. Le corps électoral est alors composé de trois catégories d’électeurs, tous comptés comme citoyens français à part entière, qu’ils soient de métropole, d’Algérie, d’Afrique noire ou d’autres territoires d’outre-mer.

Pour les Français de métropole, il s’agit d’approuver ou de rejeter le régime politique proposé, d’engager ou non une révision des institutions.

Quant aux Français d’Afrique noire, on leur donne le choix d’accepter ou de refuser d’entrer dans la nouvelle « Communauté française ».

En Algérie, la question peut encore se comprendre autrement. Le 30 août 1958, le général de Gaulle déclare que, pour les habitants d’Algérie, répondre « OUI » signifiait « que l’on veut se comporter comme un Français à part entière et que l’on croit que l’évolution nécessaire de l’Algérie doit s’accomplir dans le cadre français ».

Le référendum pose une unique question qui, suivant les populations concernées, peut se lire de différentes manières.

Le 6 septembre, lors d’une conférence de presse qu’il donne à l’hôtel Lutetia, Pierre Mendès- France conteste à la fois le texte proposé et la méthode utilisée pour le présenter :

« Ce référendum est-il une opération claire et honnête ? Une première cause de difficulté et d’obscurité résulte de la grande diversité des problèmes qui se posent et auxquels une seule réponse, par un seul « oui » ou par un seul « non » est admise… L’honnêteté aurait exigé que soient posées des questions distinctes sur des sujets distincts… La situation ainsi créée permet d’agiter tous les épouvantails aux yeux de ceux qui veulent voter « non ». Aux uns, on annonce qu’ils préparent la venue au pouvoir des communistes ou du Front populaire. A d’autres, on fait peur par la menace de l’intervention des paras ou d’une guerre civile….
Mais le plus grave est d’avoir refusé une procédure qui eût permis à des propositions alternatives de se faire jour ; on interdit à ceux qui ne sont pas d’accord le dépôt de contre-projets… La consultation du 28 n’est pas seulement un référendum ; elle est aussi et surtout un plébiscite.
 »

Le 11 septembre, il confirme ses propos dans l’Express :

« De là, une extraordinaire confusion. Si le projet de Constitution est bon pour la Métropole, comment admettre que le vote négatif d’un habitant du Dahomey ou du Niger, qui serait décidé à faire sécession – à rompre avec la France – puisse nous priver de bonnes institutions, et qu’au moment où cet électeur lointain déclare se détacher de la République, son vote puisse interdire à la République des réformes que l’on croit salutaire ? ».

Le référendum s’adresse, au total, à près de 46 millions d’électeurs (dont 26.6 millions en Métropole, 4.7 millions en Algérie et 14.5 millions dans les territoires d’outre-mer).

En Métropole la réponse est « oui » à 79,2% avec 15% d’abstentions.
En Algérie 96,7% des Algériens, pieds noirs Européens et Musulmans disent « oui » à la nouvelle Constitution malgré les appels lancés par le FLN en faveur d’un boycottage. Le taux d’abstention est de 20%.

Le 3 octobre à Constantine, le général de Gaulle se félicite du résultat :
« Trois millions et demi d’hommes et de femmes d’Algérie, sans distinction de communauté et dans l’égalité totale, sont venus apporter à la France et à moi-même le bulletin de leur confiance… Ce fait est capital… pour cette raison qu’il engage l’une envers l’autre et pour toujours l’Algérie et la France. »

Dans les autres territoires, formés pour la plupart d’anciennes colonies, le « oui » l’emporte à 93.6 % des suffrages exprimés avec un taux d’abstention de 30%, la Guinée mise à part ; avec 95 % de « non » elle décide en effet de se retirer de la Communauté et n’est donc pas prise en compte dans le calcul des résultats.

Le Général de Gaulle ne se faisait pas trop d’illusions sur l’avenir de ce « Commonwealth » à la française : "La Communauté, c’est de la foutaise ! Ces gens là, à peine entrés, n’auront qu’une idée : celle d’en sortir.". Ce que, pour la plupart, ils feront deux ans plus tard en déclarant leur indépendance.

Quatre ans plus tard, le 5 juillet 1962, après 132 ans de colonisation française, c’est au tour de l’Algérie de proclamer, elle aussi, son indépendance.

Sur l’ensemble des électeurs, la réponse est « oui » à 85% avec un taux moyen d’abstention de 20%.

Les institutions de la Sème République ont donc été décidées presque pour moitié (exactement 43%) par des gens dont les enfants et les petits enfants sont aujourd’hui considérés comme des étrangers indésirables en France.

En résumé, alors que les lois constitutionnelles de la 3ème République ont demandé quatre ans de réflexion de 1871 à 1875, et pour la 4ème, deux ans de controverses, de 1944 à 1946, en ce qui concerne la 5ème la question est réglée en moins de quatre mois, pour ainsi dire « à la hussarde », en brusquant les institutions en place, et pour gagner du temps, sans jamais s’encombrer des avis d’une assemblée constituante comme en 1875 ou en 1946.

Quatre ans plus tard, en 1962, le processus de révision du mode d’élection du Président de la République suivra sensiblement la même méthode. Alors qu’en 1958 on avait procédé à un aménagement de l’article 90 de l’ancienne Constitution, relatif aux révisions constitutionnelles, on opérera cette fois par le contournement de l’article 89 traitant du même sujet dans la nouvelle constitution.

Le 20 septembre 1962, quelques semaines après avoir échappé à l’attentat du Petit-Clamart, dans une allocution télévisée, le général de Gaulle annonce son intention de proposer qu’à l’issue de son septennat ses successeurs soient élus au suffrage universel.

« La clé de voûte de notre régime, c’est l’institution nouvelle d’un Président de la République désigné par la raison et le sentiment des Français pour être le chef de l’Etat et le guide de la France… »

Il décide de soumettre directement cette proposition à un référendum. Mais au lieu d’associer le Parlement à cette décision, conformément à l’article 89 de la Constitution prévu à cet effet, il préfère appliquer l’article 11 l’autorisant à la prendre « sur proposition du Gouvernement ».

Ce choix donne alors lieu à une bataille de procédures.

Le 1er octobre, le Conseil d’Etat déclare cette opération anticonstitutionnelle. Le 2 octobre sept membres du Conseil constitutionnel font part de leur « hostilité absolue » au projet. Toutefois, se fondant sur l’article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel, se déclare incompétent pour se prononcer sur la constitutionnalité de l’opération dans la mesure où le référendum est «  l’expression directe de la souveraineté nationale ».

François Mitterrand voit dans cette opération « une course au plébiscite  ».

De son côté, le Président du Sénat, Gaston Monnerville dénonce la manœuvre comme une « forfaiture » et réclame le vote d’une motion de censure. Le 5 octobre, à défaut de pouvoir sanctionner le Président lui-même pour avoir pris la liberté d’empiéter ainsi sur le rôle du Parlement, l’Assemblée nationale déclare :
« Considérant qu’en écartant le vote par les deux chambres, le président de la République viole la Constitution dont il est le gardien ;

Considérant qu’il ouvre ainsi une brèche par laquelle un aventurier pourrait passer un jour, pour renverser la République et supprimer les libertés ;

Considérant que le président de la République n’a pu agir que sur la « proposition » du Gouvernement ;

censure le Gouvernement conformément à l’article 49 de la Constitution. »

La motion de censure est approuvée par 280 voix, la majorité requise étant de 241 voix.

Le Président du Conseil Georges Pompidou remet la démission de son Gouvernement.

Le 9 octobre le général de Gaulle décide alors de dissoudre l’Assemblée et d’organiser des élections législatives après le référendum.

Le 18 octobre, dans une allocution télévisée, il insiste sur l’importance de ce référendum, menaçant de se retirer si sa proposition n’était pas acceptée.
« Si votre réponse est « non »… ou même si la majorité des « oui » est faible, médiocre, aléatoire…il est évident que ma tâche sera terminée aussitôt sans retour. »

Le référendum a lieu le 28 octobre. A la question : « Approuvez-vous le projet de loi relatif à l’élection du Président de la République au suffrage universel ? » la réponse est « oui » à 62% avec un taux d’abstention de 23%.

Les élections législatives ont lieu les 18 et 25 novembre avec un taux moyen d’abstention de 30% . La composition de l’Assemblée ne change pas pour autant et le Premier ministre est maintenu dans ses fonctions.

François Mitterrand résumera plus tard l’opération dans un pamphlet « Le coup d’État permanent », publié en mai 1964, où il procède à un rapprochement avec le coup d’Etat du 2 décembre 1951 par lequel Louis Napoléon Bonaparte élu Président de la République au suffrage universel mettait mis fin à la Deuxième République pour laisser la place au Second Empire. En 1969, dans un autre ouvrage, « Ma part de vérité » il confiera « Depuis 1962, c’est-à-dire depuis qu’il a été décidé que l’élection du président de la République aurait lieu au suffrage universel, j’ai su que je serai candidat. Quand ? Comment ? Je ne pouvais le prévoir… »

Le 22 octobre 1962, dans une interview publiée par le journal Combat, à six jours du référendum, il se plaçait déjà dans la perspective d’une future candidature : « Je ne dis pas qu’il ne faille pas tirer de la Constitution ce qu’elle peut avoir de bon, et notamment le fait d’avoir à la tête de l’Etat un homme qui dispose d’une certaine stabilité et de grands pouvoirs. » . Peut-être pensait-il, en bon avocat qu’il était, qu’il pourrait, le moment venu, interpréter les textes à sa manière.

En 1995, au terme de sa carrière il dira « Cette Constitution était mauvaise avant moi ; elle restera mauvaise après moi.Pour l’instant je m’en accommode. »

Au cours des années qui vont suivre on constate que, dans la pratique, la règle de séparation des pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire, est loin d’être toujours respectée. Que, de plus, aucun de ces trois pouvoirs n’a les moyens de s’opposer aux décisions prises par un quatrième, d’ordre économique et financier, extérieur aux frontières, s’exerçant hors du champ de la démocratie, échappant ainsi à tous les contrôles. Il faudrait, de plus, tenir compte d’un cinquième pouvoir, relatif aux moyens techniques considérables mis en œuvre aujourd’hui pour la diffusion ou l’échange d’informations, que l’on pourrait qualifier de pouvoir informatique et dont les effets ne sont pas mesurables, à commencer par ceux qui en ont les clés.

De sorte que, si l’on voulait suivre à la lettre l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, suivant lequel « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n’a point de Constitution », on en viendrait vite à conclure que la Constitution de la Sème République devrait être refaite et qu’il conviendrait de passer à une 6ème. Mais, en dépit de ses imperfections, si elle a résisté si longtemps à toutes les épreuves, c’est qu’elle est probablement moins mauvaise que pouvaient craindre ses détracteurs. Il faut tout de même lui reconnaître une certaine « robustesse », comparée à la fragilité des gouvernements de la IIIème ou de la IVème République dont la durée moyenne était de six ou sept mois, parfois même de quelques jours. Le général de Gaulle insistait sur ce point dans sa conférence de presse du 31 janvier 1964 : « Notre Constitution est bonne. Elle a fait ses preuves depuis plus de cinq années, aussi bien dans des moments menaçants pour la République qu’en des périodes de tranquillité. Sans doute, d’autres circonstances et d’autres hommes donneront-ils plus tard à son application un tour, un style, plus ou moins différents… Concurremment avec l’esprit et avec le texte, il y a la pratique… »

Cette Constitution a maintenant plus de 50 ans ; ce qui tend à prouver qu’elle donne satisfaction. Mais on pouvait en dire tout autant des institutions de la IIIème République qui, de leur côté, se sont maintenues pendant 83 ans ; si l’on veut bien considérer que l’intermède de l’Etat français (dont la Constitution n’a jamais été promulguée), n’a pratiquement pas eu pour effet d’effacer la République. En 1946, la Constitution de la IVème République n’a fait que reprendre, presque mot pour mot, les dispositions constitutionnelles prises pour la IIIème en 1875. La République a simplement changé de numéro.

Peu importe leur numéro ; l’essentiel est de savoir quel sens on donne au mot « république ».

Pris à la lettre, ce mot couvre l’ensemble des institutions qui régissent une société, quelle que soit la forme de son gouvernement, pourvu que les citoyens aient les moyens de s’exprimer autrement qu’en se bornant à déposer, tous les cinq ans, un bulletin de vote pour entretenir un système dont ils ne sont pas maîtres.

Compte tenu du caractère artisanal des méthodes électorales mises en œuvre au cours des différents scrutins, il serait sans doute possible de les moderniser grâce aux outils de communication dont nous disposons aujourd’hui ; dans la mesure où se trouvant à la portée de tout le monde, ils permettent des échanges de vues plus rapides et mieux fournis. En tout cas, plus rationnels que la plupart des discours métaphysiques en langue de bois que nous devons subir.

Les révolutionnaires de 1789 après avoir décidé d’en finir avec l’ancien régime s’étaient vus dans l’obligation d’inventer une autre forme de gouvernement. Ils ont, au moins, déblayé le terrain à travers différents projets de constitution. Nous nous trouvons à peu près dans la même situation. Il nous faudrait presque tout reprendre à zéro, afin de redonner son véritable sens au mot « peuple », autrement dit : essayer de construire, autant que possible, une « démocratie normale ».

L’adjectif « normal » étant pris avec la signification qu’on lui donne en géométrie, où une droite est dite « normale » à une surface quand son orientation satisfait aux règles imposées par les postulats d’Euclide. Par comparaison, nous dirons ici que, pour être « normale », la constitution devrait être bâtie, mais surtout appliquée, conformément au principe de la République : « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».
Les qualités démocratiques de ce régime peuvent alors se mesurer aux écarts que les différents gouvernements se sont permis de prendre avec le principe sur lequel il repose.

Souvenons nous que la démocratie, née en Grèce, en même temps que la géométrie, procédait, au fond, d’une même philosophie ; que, dans les deux cas, les règles étaient conçues pour des mondes parfaits, totalement artificiels mais qui avaient au moins le mérite d’être satisfaisants pour l’esprit. Cependant, la comparaison doit s’arrêter là. Conçues pour des citoyens, tous égaux par définition sur le terrain politique, mais qui sont loin d’avoir, en tant qu’êtres humains, la simplicité des figures géométrique, les architectures démocratiques doivent se contenter d’à peu près, d’angles droits pas tout à fait d’équerre, au point de tolérer quelques « irrégularités », parfois même certaines extravagances.

A tel point qu’en mai 2003, Jean-Pierre Raffarin s’est cru autorisé, en qualité de Premier ministre, d’établir une distinction entre la « France d’en haut » et la « France d’en bas », une France des beaux quartiers et une France des banlieues. A l’occasion de la journée d’action organisée par les syndicats le 13 mai en signe de protestation contre un avant-projet de loi portant sur les retraites il est allé jusqu’à déclarer, avec un certain mépris : « Le Parlement doit décider, la rue doit défiler, mais ce n’est pas la rue qui gouverne ».

« La rue », autant dire « le peuple ». Au temps de Charles X ou de Louis-Philippe il aurait dit « la populace ». Il faut croire que dans l’énoncé du principe de la République, où il est répété trois fois, le mot « peuple » prend des sens différents selon l’une ou l’autre des trois occurrences, pour le peuple d’en haut et le peuple d’en bas, suivant la place qu’on occupe, dans un fauteuil ministériel ou en bas de l’échelle.

Comme s’il y avait deux poids deux mesures dans l’exercice du pouvoir « démocratique », d’un côté pour ceux qui sont en charge d’établir ou d’appliquer les lois et d’un autre côté pour ceux qui les subissent. De ce point de vue, la tâche d’un Gouvernement serait évidemment plus facile si, en cas de difficulté, il avait les moyens de dissoudre le peuple.

D’après l’article 3 de la Constitution « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».
Les députés à l’Assemblée nationale viennent tous d’élections locales ; chacun représente, en moyenne, cent mille personnes .Il faut donc imaginer qu’une fois réunis ils sont à l’image du peuple tout entier ; autrement dit, que le « gouvernement du peuple par le peuple » ressemble bien à son modèle.

De son côté, le Président de la République, élu au suffrage universel, est censé représenter à lui seul soixante cinq millions de personnes. A cet effet, il lui suffit de recueillir un peu plus de 50% des suffrages exprimés.
Et c’est alors que l’adjectif « universel » donne sa véritable mesure.
En qualité d’étranger 10% des personnes qui vivent en France ne peuvent pas voter.

10% de ceux qui disposent du droit de vote n’éprouvent pas le besoin de s’inscrire sur les listes électorales.

Sur le nombre d’électeurs inscrits, 20 ou 30% s’abstiennent de participer.
2 ou 3 % pour manifester leur désaccord vont voter « blanc » ou « nul »
Tous comptes faits, que représente alors un Président élu à l’issue d’un suffrage « universel à 20% » ? A vrai dire il ne représente, au fond, que lui-même.

Sous l’Ancien Régime, le Roi pouvait se permettre de dire «  l’État c’est moi ».
Quels que soient les pouvoirs qui lui sont accordés, un Président de la Sème République est-il aujourd’hui en droit de proclamer : « Je suis le peuple » ?

Du reste, savons-nous seulement ce que signifie maintenant, pour nous, le mot « peuple » ? D’autant que la France, qui se trouvait encore à la tête d’un Empire aux premiers jours de la Sème République, n’est plus aujourd’hui qu’une province de l’Europe et que nous devons désormais nous entendre avec nos voisins, autrement dit d’autres « peuples », pour mettre en place une constitution commune. Somme toute, le schéma de la situation est à peu près le même que pour la « Communauté française » en 1958.

Le 29 octobre 2004, les chefs d’Etat et de gouvernements, réunis à Rome signent un traité établissant une Constitution pour l’Europe. Il est prévu que ce traité entrerait en vigueur à partir du 1er novembre 2006, après avoir été ratifié par chacun des vingt-cinq États signataires,
selon les règles en vigueur dans chacun d’eux, soit par référendum, soit par la voie parlementaire. Dix choisissent de s’exprimer par le biais d’un référendum. Les quinze autres ont recours à la voie parlementaire.
En toute rigueur, pour donner à l’opération une certaine cohérence démocratique il aurait mieux valu procéder partout de la même manière, autrement dit : laisser les peuples intéressés répondre tous directement à la même question :

« Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une constitution pour l’Europe  ? »

En raison de la diversité des problèmes à régler une seule question n’aurait d’ailleurs pas été suffisante. Il est en effet difficile d’imaginer que le sujet soit compris de la même façon par un paysan français, une ménagère italienne ou un plombier polonais.

En France, le Congrès réuni à Versailles le 28 février 2005 est appelé, dans un premier temps, à se prononcer sur le projet. Sur 892 votants on compte 96 abstentions et 66 voix contre. Le projet est adopté par 730 voix pour, soit 91,7% des suffrages exprimés, la majorité requise étant de 478.
Pour la bonne règle, en application de l’article 89 de la Constitution, le Président Jacques Chirac décide alors de faire ratifier ce choix par la voie d’un référendum. Mais à l’inverse du Congrès, la réponse du peuple est « non » à 54,67%.

Cette contradiction est l’indice d’un certain manque de « ressemblance » entre le peuple et ceux qui le représentent ; qui se confirmera trois ans plus tard.

Le 4 février 2008, en effet, grâce à un tour de passe-passe, dénoncé par certains comme une forfaiture, le Président Sarkozy obtient quand même du Congrès l’adoption du projet à 75%. Mais il est vrai que c’était, parait-il, un autre projet (une « pâle copie », suivant certains observateurs), dont on avait tout simplement changé le titre ; il était question cette fois du traité de Lisbonne au lieu du traité de Rome.

En 2008 comme en 1964, l’article 89 de la constitution fait une fois de plus, l’objet d’une double lecture. Suivant cet article, les décisions du Congrès ne sont définitives qu’après avoir été approuvées par un référendum. Le Président s’est donc bien gardé cette fois d’en demander confirmation par un nouveau référendum. Sait-on jamais de quoi les électeurs sont capables ! Dans un référendum, ils sont plutôt invités à répondre « oui ». Si, par malheur, ils votent « non », il est permis de supposer qu’ils n’ont pas très bien compris la question qui leur était posée ; ce qui ne veut pas dire pour autant qu’en répondant « oui » ils en auraient davantage saisi le sens. Alors, plutôt que d’avoir à se perdre dans des explications à n’en plus finir, le Chef de l’État a jugé préférable, en la circonstance, de faire en sorte que le peuple ne se mêle pas trop de ce qui le regarde.

Du reste, c’est un peu ce que fait la Constitution en question en posant pour principe dans son article I-15 que « Les États membres coordonnent leurs politiques économiques au sein de l’Union ». Pour les coordonner, il faudrait déjà qu’ils aient les moyens de les ordonner.

Comme si les peuples, dont ce texte est censé traduire la volonté, pouvaient avoir, par la voie démocratique, une prise quelconque sur les marchés, alors qu’ils ne font qu’en subir la loi.

En France au moins, ne serait-ce que sur ce point, le texte proposé parait pour le moins incongru au regard du principe de la République.

Dorénavant les gouvernements, quels qu’ils soient, devront s’y reprendre à deux fois avant d’en proposer la ratification par le jeu d’un référendum.
Pour le moment, le pouvoir économique et financier évolue dans un monde au dessus des lois, totalement abstrait où le verbe « avoir » a priorité sur le verbe « être »

Une fois réglée la question européenne, à plus ou moins long terme nous serons un jour appelés à devenir des citoyens du monde ; à condition de nous entendre sur un système de gouvernement démocratique qui effacerait toutes les frontières.

Nous en sommes encore loin. Pour le moment, nous avons déjà à régler la question à l’intérieur des nôtres. Commençons donc par balayer devant notre porte.

BRÉVE HISTOIRE DES RÉVISIONS DE LA CONSTITUTION

Suivant l’article 28 de la Constitution du 24 juin 1793 : « Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer la Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures. »

En 1789, Condorcet insistait sur le caractère temporaire des institutions en vigueur et sur la nécessité de faire rectifier la Constitution par les citoyens : «  Je ne propose point aux citoyens de se soumettre pour toujours à une constitution peut-être tyrannique, je leur propose de se soumettre pour un temps à une constitution qu’eux-mêmes auront reconnue ne rien renfermer de contraire à leurs droits. »

Depuis sa création, en 1958, la Constitution de la Vème République a fait l’objet de 24 révisions. La dernière en date du 23 juillet 2008 portant sur la modification des institutions de la République comprend à elle seule 47 articles.

La règle du jeu des révisions est fixée par la Constitution. L’article 89 prévoit que les projets de révision de la Constitution peuvent être approuvés de deux manières :

 soit par référendum

 soit par un vote du Parlement réuni en Congrès, à la majorité des trois-cinquièmes des suffrages exprimés.

Mais les deux procédures ne sont pas équivalentes. Alors qu’une révision est définitive après avoir été approuvée par référendum, les révisions votées par le Congrès peuvent toujours être annulées par un référendum. Et c’est ainsi que le projet de ratification du traité de Rome établissant une Constitution pour l’Europe, précédemment approuvé par le Congrès, a finalement été rejeté à 54,6% par le référendum du 29 mai 2005.

Sur les 24 révisions de la Constitution, seules deux révisions ont fait l’objet d’un référendum. Toutes les autres ont été votées par le Congrès.

Les deux révisions décidées par référendum, donc directement par le peuple, ont en réalité eu pour effet d’accentuer le caractère monarchique du régime :

 la première le 6 novembre 1962 sur le principe de l’élection du Président de la République au suffrage universel adoptée à 62%.
 la seconde le 2 octobre 2000 sur la réduction à 5 ans de la durée du mandat présidentiel, adoptée à 73 % avec un taux d’abstention de près de 70% (69,6%).

En 1962, l’Algérie, Madagascar, et les États d’Afrique noire membres de la Communauté ayant tous pris leur indépendance le titre XII relatif à la Communauté n’avait plus de raison d’être. Dans ces conditions, le peuple français n’était déjà plus tout à fait le même que celui qui avait voté la Constitution quatre ans plus tôt.

De sorte que disparaissaient ainsi les difficultés majeures qui, en 1958, empêchaient d’établir un véritable régime présidentiel, en raison de la diversité de l’électorat. Dans son discours du 28 aout 1958 devant le Conseil d’Etat, Michel Debré avait évoqué ces difficultés, pour conclure : « Le régime présidentiel est actuellement dangereux à mettre en œuvre. »
Le danger se trouvant écarté il devient possible, le 28 octobre 1962 de proposer un référendum instaurant l’élection du Président de la République au suffrage universel.

Quant à la réduction de la durée du mandat présidentiel, le principe d’un mandat de cinq ans avait déjà été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale et par le Sénat les 16 et 18 octobre 1973. Mais le Président de la République, Georges Pompidou, avait finalement renoncé à ce projet.

A partir de 2002, cette disposition a eu directement pour effet de confondre dans une même campagne électorale les élections présidentielle et législatives.

Dans son allocution du 31 janvier 1964 le général de Gaulle en avait pourtant dénoncé l’inconvénient : « Parce que la France est ce qu’elle est, il ne faut pas que le président soit élu simultanément avec les députés, ce qui mêlerait sa désignation à la lutte directe des partis, et altérerait le caractère de sa fonction de Chef de l’État. »

Sur les 22 révisions votées par le Congrès, cinq au moins avaient trait à l’Union européenne.

Les autres étaient plutôt des procédures de rattrapage ou de consolidation de mesures adoptées dans le cadre normal des sessions parlementaires ; comme, par exemple : la révision n° 22 du 23 février 2007 relative à l’abolition de la peine de mort, votée 26 ans plus tôt, le 18 octobre 1981, par l’Assemblée nationale.

Ou encore : la révision n° 17 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République venant conforter, 31 ans après, la loi du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions, complétée par la loi de décentralisation du 2 mars 1982. Cette révision venait corriger l’échec du référendum proposé le 28 avril 1969 sur la régionalisation et la réforme du Sénat qui avait entraîné la démission du général de Gaulle.

Même s’ils en avaient le désir ou l’intention aucun des Présidents n’a véritablement insisté pour changer la structure des institutions. La plupart des révisions portent davantage sur des questions de règlement intérieur.

C’est ainsi que les deux révisions décidées sous le septennat de Valéry Giscard d’Estaing traiteront :

 la révision n°4 du 29 octobre 1974 de l’extension du droit de saisine du conseil constitutionnel
 la révision n°5 du 18 juin 1976 de la modification des règles de la campagne électorale présidentielle en cas de décès d’un des candidats.

De 1976 à 1992, pendant 16 ans, la Constitution ne fait l’objet d’aucun changement.

En 1992, au cours de son second septennat, François Mitterrand institue un Comité consultatif pour la révision de la Constitution.

Dans le texte de sa lettre au Président du Sénat où il expose les propositions qu’il entend soumettre au Comité il précise : « On ne reviendra pas sur l’élection du président au suffrage universel. Elle est entrée dans nos mœurs et tout montre que le peuple français qui l’a décidée par référendum y est plus que jamais attaché. »
Vingt ans plus tôt dans son pamphlet « Le coup d’État permanent », il n’était pas tout à fait dans le même état d’esprit quand il dénonçait cette procédure comme « une course au plébiscite ».

De 1995 à 2007 Jacques Chirac procède à 14 révisions : Le 2 octobre 2000 par la voie du référendum sur la durée du mandat présidentiel ; Les autres révisions, votées par le Congrès sont diverses mesures d’ajustement : financement de la Sécurité Sociale, égalité des hommes et des femmes, confirmation de l’abolition de la peine de mort, etc…

En août 2007, Nicolas Sarkozy nomme une Commission, présidée par Jacques Attali, pour la libération de la croissance française, qui proposera 300 décisions pour changer la France.

Comme son nom l’indique cette commission n’avait pas précisément pour objet de traiter des institutions, sauf à chercher les moyens de maîtriser les dépenses publiques.

La révision n°23 votée par le Congrès le 4 février 2008 modifie le titre XV de la Constitution en ratifiant le traité de Lisbonne, annulant ainsi le rejet provoqué par le référendum de 2005 sur le même sujet.

La révision n°24 du 23 juillet 2008 portant sur la modernisation des institutions de la Vème République comprend 47 articles. Elle est le produit des travaux d’une commission présidée par Edouard Balladur.

En fait de modernisation des institutions, certains des articles sont davantage des corrections typographiques. Comme, par exemple l’article 24 traitant des rapports entre le Parlement et le Gouvernement où il est dit que « dans le troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution, dans la deuxième phrase le mot « texte » est remplacé par le mot « projet ». Ou, dans l’article 4 : « dans le dernier alinéa, après le mot « projet », sont insérés les mots : « ou de la proposition  ». Mais il y a bien d’autres exemples de ce genre.

Avant révision l’article 18 de la Constitution disposait que : « Le Président communique avec les deux assemblées du Parlement par des messages qu’il fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat. ». Après révision, l’article est complété par l’alinéa suivant : « Il peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès. Sa déclaration peut donner lieu, hors de sa présence, à un débat qui ne fait l’objet d’aucun vote. »
Le Président pensait probablement être plus convaincant en lisant ses messages lui-même ; établir ainsi un rapprochement entre l’exécutif et le législatif. Il va même jusqu’à autoriser qu’on puisse discuter de ses propos hors de sa présence.

Plus sérieusement, l’article 44 de la révision ajoute au titre XV, relatif à l’Union européenne, un article 88-5 dont on ne perçoit pas l’utilité dans la mesure où il se présente comme une copie de l’article 89 de la Constitution traitant des procédures de révision. A cette différence près, qu’en oubliant de mentionner qu’une révision est définitive après avoir été approuvée par référendum, il laisse entendre qu’il est toujours possible de revenir sur la question par une décision du Congrès. Le Président Sarkozy justifiait ainsi, à postériori, la révision n°23 du 4 février 2008 ratifiant le traité de Lisbonne établissant une Constitution pour l’Europe, qu’il s’était contenté de faire voter par le Congrès, annulant ainsi les effets du référendum du 29 mai 2005 sur le même sujet.

Lors de sa présentation au Congrès, la révision n°24 est approuvée par 539 voix contre 357 soit avec une voix de plus que la majorité requise des trois cinquièmes.

En mars 2012, à l’occasion de la campagne pour l’élection présidentielle, le candidat du Front de gauche plaide pour le passage à une 6ème République et l’écriture d’une nouvelle Constitution rétablissant la souveraineté du peuple.

La question avait déjà été soulevée en avril 2001 par Arnaud Montebourg avec la création d’une Convention pour une 6ème République dont, par avance, il avait lui-même écrit la Constitution, sans attendre qu’une assemblée constituante en discute les termes.

Le 16 juillet 2012 le nouveau Président François Hollande crée une Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique placée sous l’autorité de Lionel Jospin.

Sous le titre « Pour un renouveau démocratique », la commission Jospin aligne 35 propositions traitant surtout de questions de détail relatives aux pratiques électorales, qualifiées de mesures homéopathiques par l’un des membres de la commission ; par exemple :

 en exigeant des candidats à l’élection présidentielle qu’ils recueillent au moins 1500 signatures au lieu de 500, instaurant ainsi un patronage « citoyen »

 en réduisant le délai entre l’élection présidentielle et les élections législatives

 en introduisant une dose de proportionnelle dans l’élection des députés
Il est peu vraisemblable que ces propositions conduisent, après tant d’autres, à un nouveau bricolage de la Constitution.

CONCLUSION

Que reste-t-il, aujourd’hui, de ce qui pouvait avoir un sens pour la communauté française, en 1958. Aujourd’hui, la situation n’est plus du tout la même, le peuple aussi n’est plus le même ; il a, depuis, changé de composition et de mode de vie.

Le 13 mai 1790, CONDORCET fondait un club de débat et de réflexion : la SOCIÉTE de 1789 ayant pour objet l’étude des moyens appropriés au traitement des objets politiques.

Les travaux de ce club ont servi de base à la première Constitution républicaine promulguée le 24 juin 1793 mais qui ne sera jamais appliquée.
Nous pouvons imaginer aujourd’hui une expérience démocratique de ce genre consistant à recueillir, au moyen des réseaux Internet, par exemple, le plus grand nombre possible de propositions en vue d’établir une base de données suffisamment riche pour établir une Constitution davantage conforme au principe de la République : « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Autrement dit : fonder une démocratie « normale  ».