L'heure de vérité

L’heure de vérité

Vendredi 1er juin 2018, par André Bellon

Par André Bellon

Ancien Président de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale

Il est des moments où l’Histoire semble basculer. On découvre alors que tout était en suspens depuis longtemps.

Le monde qu’on nous présentait depuis des décennies comme stable et porteur de bonheur apparait aujourd’hui pour ce qu’il était, un monde de violence qui tourne le dos à la démocratie et qui méprise la justice. Après la crise économique et politique grecque, les élections italiennes (et les réactions atterrées qu’elles suscitent dans les milieux officiels) confirment que les peuples européens se trouvent devant un choix fondamental.

Ce n’est pas un hasard si la crise italienne est concomitante du retour des affrontements commerciaux et ce n’est pas en niant une fois de plus les problèmes qu’on trouvera les solutions.

En saluant le « courage » et le « grand esprit de responsabilité » de son homologue italien Sergio Mattarella qui tentait de bafouer le suffrage des urnes, Emmanuel Macron a ajouté la violence à la violence.

- Violence faite à la démocratie. Les citoyens doivent-ils continuer d’accepter des pouvoirs qui les relèguent au rang de figurants ?

- Violence vis-à-vis d’un peuple qui conteste une pensée économique et monétaire, celle qui laisse à quelques milieux étriqués tout pouvoir sur le rôle et le niveau de l’euro, ignorant les graves disparités économiques et sociales qu’un tel système engendre.

- Violence vis-à-vis de tout esprit critique, fondement même de la démocratie dont on nous rebat tellement les oreilles.

Cette prise de position, comme celle de trop nombreux hiérarques européens, était, de plus, stupide et intenable comme la constitution du gouvernement italien vient finalement de le démonter.

Depuis trop d’années, les dirigeants ont voulu nier les indices pourtant évidents des orages qui s’annonçaient. Se borner à traiter de populistes tous ceux qui contestaient les politiques menées au nom de la mondialisation ou d’une union européenne sacralisée menait d’autant plus à l’affrontement que ces mouvements étaient le produit du mépris permanent envers les citoyens. C’est au nom de la mondialisation, c’est au nom de la construction européenne que sont imposés les visions économiques du FMI ou de la Banque européenne contre les volontés exprimées par les urnes. Mépriser les votes démocratiques comme ce fut le cas après les référendums de 2005 ne pouvait qu’accélérer les frustrations alors qu’il s’agissait d’appels au débat.

C’est en fait toute une construction philosophique humaniste issue du 18ème siècle qui est attaquée depuis des décennies. Les mots n’ont plus de sens, la démocratie devient la dictature du consensus, le progrès social s’assimile à la domination des intérêts privés, le besoin d’union est le cache-sexe de la soumission au système impérial.

Le monde peut retrouver un nouvel équilibre. Les relations entre pays européens peuvent redevenir saines. Mais cette reconstruction générale ne peut se faire qu’avec les peuples concernés. Cela demande de revenir à la base même des problèmes, de recréer les débats nécessaires entre les citoyens, indispensable à tout contrat social, de réaffirmer les peuples dans leur rôle de souverains, puis de réengager le dialogue nécessaire entre les représentants de ces peuples. Le respect de la démocratie et l’esprit de justice sont les meilleurs antidotes à la montée de la violence sous toutes ses formes.

Il est encore temps. Sinon, la violence nationale et internationale apparaitra de plus en plus comme la solution.