Peuple
Mercredi 26 janvier 2022, par
Un mot : Peuple
Récemment, lors d’une de nos conférences, une personne m’interpela à propos du vote du 29 mai 2005 sur le traité constitutionnel européen. Selon lui, on ne peut pas dire que c’est « le peuple » qui a répondu « non » lors de ce référendum dans la mesure où le « non » était disparate et rassemblait des éléments d’extrême droite autant que de gauche.
Passons sur le fait que le vote « oui » n’était pas caractérisé, lui non plus, par l’homogénéité et la clarté. Intéressons-nous à la question sous-jacente essentielle : la définition du « peuple » qui est souverain d’après l’article 3 de la constitution.
Mon interlocuteur semble considérer que le peuple revêt une connotation politique ou sociale. Il rappelle ainsi le vieux concept de « peuple de gauche ».
Il n’y a, à notre sens, d’un point de vue strictement juridique et de la logique démocratique, qu’un peuple français (le corps politique souverain) qui n’a pas d’orientation politique a priori et qui est traversé de préoccupations et tensions diverses. D’ailleurs, qui dit qu’un citoyen aurait, de façon pérenne, une étiquette politique ? Cette caractérisation peut évoluer, heureusement d’ailleurs, la seule chose permanente étant la qualité de citoyen.
Le vote du 29 mai 2005 fut celui de l’ensemble des citoyens confrontés à une question préalable et uniquement celui des citoyens au-delà de toute autre considération. On peut regretter le caractère par définition binaire des référendums mais c’est leur rôle de trancher, comme le ferait d’ailleurs un parlement appelé à ratifier un traité, l’adoption ou non d’un texte clefs en mains négocié par les diplomates ou les législateurs.
Il est alors scandaleux de voir certains vouloir récupérer le résultat du 29 mai 2005 au profit de telle ou telle chapelle ou sensibilité politique.
On se rappellera les tentatives de certains pour créer lors de la présidentielle de 2007, un candidat du « Non de gauche ». Au lieu de chercher à accroitre le souffle du résultat au référendum -expression de la souveraineté populaire et nationale-, de telle initiatives ont affaibli la dynamique du vote et, peut-être, ouvert la voie à la remise en cause à la remise en cause par le président Nicolas Sarkozy et ses soutiens sociaux-démocrates.
Il ne s’agit pas, ce disant, de nier les conflits, en particulier sociaux, ou les contradictions qui peuvent traverser le peuple tout entier. Il s’agit de rappeler l’intérêt général et la manière dont les luttes sociales peuvent s’inscrire, comme le pensait Jean Jaurès, dans le cadre démocratique. La démocratie est précisément le lieu où s’expriment les débats et qui les tranche de façon libre et raisonné comme en 2005. C’est ce cadre qui permet l’expression du peuple autant que ses contradictions internes. Il est temps d’en rappeler la force autant que les limites. Et de respecter son verdict au lieu de tenter de se l’approprier.