Le sens d'une crise

Le sens d’une crise

Jeudi 30 mars 2023, par Didier Brisebourg

La séquence récente qui a vu le recours à l’article 49-3 par le gouvernement, suivi du vote à l’Assemblée nationale sur les motions de censure, puis enfin les propos d’Emmanuel Macron au sujet des foules et des factieux, appellent quelques réflexions.

- Le recours au 49-3 ulcère une large fraction des Français. C’est normal, car il s’agit bel et bien d’une tentative de passage en force prévu par la Constitution.
Mais ce qui doit être remarqué, c’est que ce coup de force a fait deux victimes. D’une part, le législatif qui n’a pas pu voter le texte de loi, niant son rôle et privant donc la loi de la légalité parlementaire. D’autre part, les Français dans leur très grande majorité, et là pour le coup, c’est la légitimité démocratique elle-même qui est bafouée car, dans notre 5ème République, la souveraineté appartient au peuple. En conséquence, une loi, même légale, ne peut pas être légitime quand la grande majorité de la population y est opposée.

Les députés, de tout bord, même macroniens, auraient dû voter la motion de censure par souci de la démocratie, de l’intérêt général, pour tenter de rétablir un ordre social apaisé qu’Emmanuel Macron et le gouvernement détruisent. En ne le faisant pas, ils ont oublié qu’ils étaient des représentants garants de la nation.

- Les propos d’Emmanuel Macron suintent le mépris du peuple. A ses yeux, seuls les élus constituent le peuple : "« La foule, quelle qu’elle soit, n’a pas de légitimité face au peuple qui s’exprime souverain à travers ses élus ». C’est la négation du peuple réel au profit d’un peuple abstrait, fictif.

Il nie le peuple de chair et de sang, il ne veut connaître que les élus que les institutions de la 5ème République lui permettent de contenir. Il assimile les manifestations pacifiques des syndicats à des émeutes : « L’émeute ne l’emporte pas sur les représentants du peuple », a-t-il tonné, se posant en garant de « l’ordre démocratique et républicain ».

C’est le déni de la réalité sociale du peuple.

On retrouve là une veine réactionnaire ancienne.

Ainsi Sieyès, abbé de son état, futur participant au coup d’Etat de Bonaparte : « Le peuple (…) dans un pays qui n’est pas une démocratie ( et la France ne saurait l’être ), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants ». Et encore : « C’est pour l’utilité commune qu’ils se nomment des représentations bien plus capables qu’eux-mêmes de connaître l’intérêt général, et d’interpréter à cet égard leur propre volonté. L’autre manière d’exercer son droit à la formation de la loi est de concourir soi-même immédiatement à la faire. Le concours médiat désigne le gouvernement représentatif. La différence entre les deux systèmes politiques est énorme. » (discours du 7 septembre 1789).

Ce déni du peuple réel est, disons-le, écœurant. C’est un signe supplémentaire, s’il en fallait un, du caractère autoritaire de ce pouvoir qui se recroqueville de plus en plus derrière la police, ainsi appelée à devenir une milice privée.
En tout cas, on ne voit pas de censure possible de cette loi ailleurs que par la rue, ce peuple réel que Macron ignore.

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