La Mairie de Limoges, le Conseil régional du Limousin et l'école privée Calandreta Lemosina

La Mairie de Limoges, le Conseil régional du Limousin et l’école privée Calandreta Lemosina

Mercredi 1er août 2012, par John Groleau

Le 11 juillet dernier, Le Populaire [1] nous apprenait que l’école privée [2] Calandreta Lemosina serait installée dès la rentrée dans l’ancienne école de kiné de la Croix Rouge, rue Émile Zola à Limoges. Suite à un dégât des eaux en août 2011 (rue de Toulouse), la Mairie de Limoges l’avait installée dans des locaux utilisés par l’école publique de Landouge, ce qui avait provoqué une très forte réaction de la part des parents d’élèves de cet établissement : http://ecolepublique87.over-blog.com/

Cette affaire, qui n’a pas eu un retentissement national, mérite d’être connue car le dessous des cartes ne manque pas d’intérêt…

Logo du P.N.O.

Dans sa présentation, Calandreta Lemosina se définit en particulier comme « une école indépendante de toute organisation politique » [3]. Elle a été fondée par Pierre Barral [4] qui était en 2011 le vice-président de cette association [5] et le co-président du P.N.O. [6] (Parti de la Nation Occcitane). Cette organisation politique, s’appelant à l’origine Parti Nationaliste Occitan, a été créée en 1959 par François Fontan, ami de Guy Héraud. Ce dernier avait reçu en 1987 à Nuremberg le Prix européen Charles IV de la Communauté des Allemands des Sudètes (Europäischer Karlspreis der Sudetendeutschen Landsmannschaft), qui est attribué lors du grand rassemblement annuel des Allemands des Sudètes à la Pentecôte. Le Courrier des Sudètes ( Sudetenpost ), dans un article du 21 mai 1987 [7], avait évoqué ce prix en rappelant que Guy Héraud était l’auteur de « Die Völker Träger Europas (im Original L’Europe des ethnies [8], Paris 1963) ». Au passage, signalons que le porte-parole de la Communauté des Allemands des Sudètes depuis 2008 est Bernd Posselt, président de l’Union Paneuropéenne d’Allemagne et partisan de l’instauration de droits collectifs pour les minorités ethniques. En 1974, Guy Héraud s’était présenté à l’élection présidentielle avec le soutien du P.N.O. Ce parti « a pour objectif la réunification de l’Occitanie morcelée entre la France, l’Espagne et l’Italie dans le cadre d’une République fédérale indépendante, membre de l’Union européenne et de l’ONU. » et « souhaite que chaque nation, déterminée par des critères linguistiques, s’émancipe par des voies démocratiques et pacifiques et crée son propre état » [9].

Calandreta Lemosina reçoit des subventions publiques du Conseil régional du Limousin (36 370 € en 2007 [10] ; 36 370 € en 2008 [11] ; 36 370 € en 2009 [12] ; 45 000 € en 2010 [13] ; 45 000 € en 2011 [14]). Nous sommes loin de la mise en pratique du principe « Fonds publics à la seule école publique » avec Jean-Paul Denanot, président du Conseil régional et membre du PS. Celui-ci, lors du deuxième tour des dernières élections régionales, avait sur sa liste Estela Parot-Urroz [15], membre du POC [16] (Partit Occitan).

Partie du tract - Jean-Paul Denanot - élections régionales 2010
Tract - élections régionales 2010


Notons que sur le plan national, « Cinq conseillers de la formation autonomiste font leur entrée dans quatre conseils régionaux, grâce à l’alliance conclue avec Europe Écologie, qui s’est joint aux listes socialistes lors du deuxième tour. Les élus du Parti Occitan sont David Grosclaude en Aquitaine, Guilhem Latrubesse en Midi-Pyrénées, Anne-Marie Hautant et Hervé Guerrera en Provence-Alpes-Côte-d’Azur et le président du parti, Gustau Alirol, en Auvergne »  [17]. Ce dernier participe à la revue Fédéchoses [18] publiée par Presse fédéraliste, « une association dont la vocation est la diffusion de publications relatives au fédéralisme européen et mondial » [19].

De son côté, au moment de la Commission permanente du 29 juillet 2010, le groupe Limousin Terre de Gauche (PCF, PG, NPA, …) avait pris la position suivante : « Vote contre les dotations de fonctionnement aux lycées privés qui concurrencent le service public d’éducation. Nous avons également souligné, par un vote en abstention, que nous ne voulions pas le statu quo en matière de financement des CFA privés (même s’il s’agit de formations n’existant pas encore dans le secteur public). En revanche, et comme nous l’avions proposé en commission éducation, nous avons voté une subvention en hausse - 45.000 euros - pour l’association qui gère la Calendreta, en soulignant l’importance de la diffusion de la culture occitane et en regrettant que l’Education nationale ne la prenne pas en compte de manière satisfaisante dans son cursus de formation » [20]. Il est vrai que pendant les élections régionales de 2010, le transfuge de Cyril Cognéras des Verts au groupe LTG [21] avait eu lieu. Celui-ci avait été candidat aux Législatives 2002 sous étiquette Partit Occitan [22] .

Les élus siégeant à Limoges devraient peut-être s’inspirer de l’Association Courriel qui, en riposte à Eva Joly sur la prétendue « hégémonie » de la langue française, n’avait vu « pour sa part aucune contradiction de principe entre la défense du français et la nécessaire promotion des langues régionales pour peu qu’elle s’opère clairement dans le cadre républicain et laïque, et qu’elle ne serve pas de paravent à des politiques euro-séparatistes parfaitement réactionnaires, tant elles sont porteuses de division de la classe ouvrière et du peuple de France ».

Depuis juillet 2009, nous savions déjà que Europe Ecologie implique Europe Ethnies. Par l’intermédiaire des instances européennes, l’Allemagne impose sa conception à l’ethnique de la nation.

Le Conseil régional du Limousin a déjà montré sa vision très particulière de la laïcité avec les ostensions limousines [23]. Avec l’école privée Calandreta Lemosina, il vient d’exposer cette fois-ci son étrange conception républicaine de la nation.

Engager un débat sur l’Éducation nationale ? Oui, certainement. La lettre ouverte au nouveau gouvernement et aux parlementaires adressée par le Collectif pour la Défense et la Promotion de l’École Publique de Proximité (CDPEPP) serait une très bonne base de travail…

J.G., responsable du Cercle de Guéret pour l’Association pour une Constituante