La honte

La honte

Dimanche 18 août 2013, par Jacques Lafouge

Le moins qu’on puisse dire est que l’affaire de l’interdiction du survol du territoire français par l’avion du Président bolivien n’a pas fait les gros titres très longtemps. Portant, ce qu’elle révèle de soumission mérite plus qu’un simple communiqué. Nous donnons ci-dessous la lettre ouverte de Jacques Lafouge au Président de la République. Nous espérons que cette lettre, largement diffusée en France et en Amérique latine alimentera un débat fondamental.

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Monsieur le Président de la République française,

Il était une fois un dictateur ni plus ni moins méchant qu’un autre. Il était aussi général ce qui est assez courant. Un jour il apprit que la France et la Prusse étaient en guerre, il décida d’aller aider la France, patrie des Droits de l’Homme, même s’il faisait un usage modéré de ces derniers. On lui fit observer que la France c’était loin. Il rétorqua qu’on prendrait un raccourci. Derechef on lui dit qu’il fallait traverser l’océan. Sans se démonter et avec superbe il décréta qu’on irait à la nage et en prenant soin de ne pas mouiller les munitions. Il se nommait Melgarejo et il était Bolivien.

Même si c’est peut-être une légende, elle est belle.

La Révolution française et l’idée de la République ont apporté aux Peuples du monde et singulièrement à ceux d’Amérique latine, la Liberté, l’Égalité et la Fraternité, en un mot le respect de l’Autre.

Lors de vos studieuses veillées à l’ENA ou ailleurs, peut-être n’a-t-on pas assez attiré votre attention sur la géographie et particulièrement sur celle des Amériques. La Bolivie doit sa renommée à l’argent du Potosi, mais elle a surtout de très hautes montagnes, des déserts de sel où on trouve profusion ce de lithium tant convoité, des forêts tropicales avec des missions jésuites qui sont devenues franciscaines, du pétrole, des mines, des témoignages archéologiques superbes et tant d’autres choses.

Malgré toutes ses richesses le peuple bolivien est un peuple pauvre. Il a subi la colonisation espagnole qui prétendait apporter la foi et qui a emporté l’or et l’argent. Lorsque ce pays est devenu libre, d’autres sont venus pour de nouveau lui enlever ses richesses avec toutes les tribulations politico-économiques qu’on peut imaginer. Ce peuple malgré cinq siècles d’oppression et de pillage a gardé sa fierté et lorsque, non sans difficultés, il élit Evo Morales il voit enfin l’avenir s’ouvrir devant lui.

Et nous, républicains, libres penseurs, hommes libres, avons applaudi la nouvelle Constitution laïque de la Bolivie.

Il y eut dans les dernières semaines un américain, du nord cette fois, qui travaillait pour des sulfureux services secrets qui, pour des raisons qui sont les siennes, dénonça l’espionnage universel auquel se livrait son pays dans le monde entier. Ce n’est pas nouveau et de bien méchantes langues assurent, Monsieur le Président, que vos propres services secrets font de même, à échelle plus modeste bien sûr, crise aidant. De toute manière c’était de la haute trahison et l’américain s’enfuit de par le monde en quête d’un asile.

Cela n’intéressait nullement la France.

Il se trouve que le Président Morales fit un voyage en Europe, ce qui est son droit et sans doute son devoir de représentation de son pays. N’en faites-vous pas vous même en abondance ?

Quand le Président Morales revint vers son pays la France bien inspirée, mais par qui ?, lui interdit le survol de son espace aérien.

Une rumeur courait de ci de là : l’américain traitre à son pays et recherché par lui se trouvait dans l’avion présidentiel. Scongneugneu, ça ne se passera pas comme ça et vous interdîtes le survol du territoire français. Cela n’intéressait nullement la France ou bien avez-vous reçu des instructions du grand frère. Si tel était le cas dîtes-le que dès maintenant nous entrainassions à la reptation.

Monsieur le Président de la République française si, sur une simple rumeur, on vous avait retenu des heures dans la zone de transit d’un aéroport comme un vulgaire contrebandier en montres suisses, tiens encore la Suisse décidément, vous eûtes déclaré la mobilisation générale et nos canonnières eussent bombardé les côtes de l’impudent.

Sur une simple rumeur auriez-vous interdit de survol la Chancellière Merkel ou le Président Poutine qui pourtant hésitait sur le droit d’asile ? Mais un indien, hein un indien, ça ne compte pas… depuis 500 ans.

Sur une rumeur vous avez mis la France en position d’accusé. Vous n’avez jamais reçu du peuple français le mandat d’insulter un pays ami et si vous avez présenté quelques regrets ou excuses, jamais vous n’auriez dû le faire au nom de notre pays mais en votre nom propre car vous êtes le seul responsable !

On va nous demander des explications et nous serons humiliés. Vous avez bien d’autres choses à faire en France sans vous occuper d’un espion en fuite.

Alors soyons nets.

Si l’interdiction de survol a été le fait d’un de vos brillants hauts fonctionnaires et néanmoins énarque, révoquez-le sur le champ et qu’il soit condamné à vie à la soupe populaire.

Si l’initiative vient de votre premier ministre ou de celui des affaires étrangères, chassez-les du Gouvernement. Vous avez bien su le faire pour une ministre qui n’avait qu’usé de sa liberté de pensée et de parole.

Si c’est vous qui représentez notre pays vous avez commis cette faute inexcusable. Partez !

Salutations républicaines

Jacques Lafouge