« Silver [é]economy[ie] » : avec Michèle Delaunay, on en perd son français, mais pas son Legrand
Samedi 31 août 2013, par
« Il y a des patrons de gauche, je tiens à vous l’apprendre » Jussieu
En juin dernier, Michèle Delaunay nous a gratifié lors de sa visite à Guéret d’une explication en or concernant l’expression « Silver économie » : « Le Premier ministre m’a un peu tapé sur les doigts sur le choix des mots, mais j’écris économie à la française et j’ai retrouvé la racine du mot silver (argent, en anglais), qui descend du latin silva, la forêt » [1]. Sans doute emportée par le charme des paysages creusois qui avaient inspiré l’École de Crozant, la ministre déléguée aux Personnes âgées et à l’Autonomie a voulu plaire à son auditoire, quitte à raconter n’importe quoi…
En effet, d’après Le Populaire du 28 janvier 2010, le « Silver Economy Network of European Regions » (Sen@er) est un projet transeuropéen initié par la région de Nord-Westphalie [2]. Ce réseau fut créé en 2005 selon un document présent sur le site de la Commission européenne [3]. Tout comme le Conseil de l’Union européenne et le Comité des Régions, celle-ci était représentée en février 2005 lors de la première conférence qui eut lieu en Allemagne [4]. Sur le site de la présidence allemande du Conseil de l’Union européenne en 2007, on trouve un document daté du 21 décembre 2006 en trois langues dans lequel l’expression « silver economy » [5] est traduite par « silberne Wirtschaft » en allemand [6] et par « économie des séniors » en français [7].
Le 18 janvier 2007, le Limousin fut la 1re région française à avoir adhéré au Sen@er et cette dernière avait accueilli en 2010 la 4e conférence « Silver Economy » à Limoges [8] en présence bien évidemment de Jean-Paul Denanot, président du Conseil régional du Limousin [9]. Ce dernier n’a pas relevé l’ineptie de Mme la ministre lors de sa venue en Creuse, mais qu’avons-nous attendre d’un élu « socialiste » subventionnant les ostensions limousines et l’école privée Calandreta Lemosina ? Parmi les intervenants allemands lors de la 4e conférence, notons les interventions de Joseph Hilbert, directeur de l’Institut du travail de Rhénanie du Nord/Westphalie, et de Christof Eichert, chef de département au ministère des Affaires intergénérationnelles, de la Famille, des Femmes et de l’Intégration du Land de Rhénanie Nord Westphalie, mais également membre de la Fondation Bertelsmann. Pour le premier, « la coopération interrégionale sera nécessaire » et « la réussite de la “Silver Economy” ne sera permise que par une participation à parts égales entre le marché, l’État et la société civile ». Pour le second, « La solution doit être apportée non pas au niveau national ou étatique, mais à l’endroit où le problème se pose, au niveau local. Les partenaires de l’État sont les communes, le marché, les églises, les associations de bienfaisance et les citoyens eux-mêmes. Son rôle doit être d’animer des discussions entre les différents partenaires afin de cristalliser les efforts sur la mission qui les occupe tous, de faire émerger des critères, notamment des critères de qualité, reconnus par tous. L’État n’a plus un rôle de régulateur, mais de partenaire égalitaire » [10]. L’air de rien, ils ont donné leur vision de l’État, celui-ci devant laisser toute sa place au « marché » en s’effaçant face aux régions.
Effectivement, comme le soulignait Libération, la « Silver Economy » est surtout une économie argentée : « A l’instar des étrangers, GE, Samsung, Philips ou Siemens, les grands groupes français commencent à flairer le filon. Air Liquide, numéro 1 mondial des gaz industriels, s’est offert en 2012 le spécialiste de la santé à domicile, LVL Medical. Legrand, l’expert en électricité du bâtiment, s’est lancé dans la télé-assistance [avec l’acquisition en 2011 du fabricant de matériel de télé-assistance Intervox Systèmes]. L’Oréal met le paquet sur la cosmétique. Renault a conçu un siège qui pivote et se relève » [11]. D’après Giovanni Ungaro, chef de projet Assistance à l’autonomie chez Legrand, son groupe historiquement implanté à Limoges et partenaire du Conseil général de la Creuse pour le pack domotique [12] « compte être l’un des acteurs majeurs de la silver economy. Nous investissons des millions dans ce domaine et voulons nous développer à l’international. Tout dépendra de l’impulsion donnée par l’Etat. Nous avons besoin de visibilité » [13]. Les élus « socialistes » du Limousin, en bons VRPs, l’ont bien compris.
Pendant son séjour creusois, Michèle Delaunay a ouvert le colloque « LivinWell » se déroulant au CMN MGEN de Sainte-Feyre avant l’explication de la « genèse du projet LivinWell par Christian Laurance (président du Cercle Condorcet) » [14]. Signalons au passage que la MGEN est cette année un « partenaire majeur » du « Kids FITDays ». Cela ne s’invente pas... D’après La Montagne, « dès septembre devrait être lancée, en Creuse et dans le district de Kassel, en Allemagne, une première expérimentation avec l’utilisation de la télé-médecine appliquée au dépistage et à la prévention bucco-dentaire chez les personnes âgées » [15]. Une chose est sûre, les « socialistes » ont une dent vampirique contre la langue de Molière et lui préfère l’anglo-américain si cher au MEDEF d’où leur incapacité à relire et comprendre Jaurès !
Au côté d’un Jeune Leader de la Fondation franco-américaine, à savoir Arnaud Montebourg, Michèle Delaunay avait lancé la filière industrielle « Silver Economy » en avril dernier.
Le 1er juillet, à l’occasion du lancement officiel de la « Silver Valley », ils ont installé le comité de filière de la « Silver economy ». Le « y » est de nouveau présent sur le portail du ministère du redressement [im]productif [16]. Par contre, on retrouve le « ie » dans le communiqué de presse [17]. Michèle Delaunay, après une recherche très approfondie, nous dirait certainement que « Errare humanum est ». Mais, au fait, devinez quelle personnalité animera ce comité ? Gilles Schnepp, membre du Cercle de l’Industrie et PDG du groupe Legrand...
« Il y a aussi des poissons volants, mais qui ne constituent pas la majorité du genre » Émile Beaufort répondant à Jussieu [18]
J.G., responsable du Cercle guérétois de l’Association pour une Constituante