HUMANISME ET Algorithmes

HUMANISME ET Algorithmes

Mercredi 4 mars 2020, par René Polin

A l’heure où l’on se pose beaucoup de questions sur le transhumanisme, les progrès de l’informatisation touchant le quotidien des ménages, il m’a semblé intéressant de réfléchir sur le devenir de la notion d’humanisme qui reste une valeur fondamentale et fondatrice de notre pensée.

Définition de base du terme « humanisme. »

Tout dictionnaire de La philosophie et des sciences humaines nous donne une définition classique généralement admise qui s’énonce comme suit :

« Au sens le plus courant, l’humanisme est une doctrine à la fois théorique et pratique, posant le principe de la dignité inaliénable de toute personne humaine et visant à procurer à chacune des conditions de son plein épanouissement et à la défendre contre toutes les attaques politiques, juridique, morales, économiques etc. »

Nous retrouvons donc ici le fondement de la Déclaration du droit de l’homme et du citoyen, dont sont issus tant de corollaires, la condamnation de l’esclavage, l’égalité civile, la parité tant dans le monde professionnel que politique la protection sociale…tant de domaines dans lequel il reste tant de choses à accomplir.

Les philosophes comme Feuerbach, Marx, Nietzsche, et ceux du siècle des lumières ont fondé durablement une conception philosophique de la vie d’après laquelle, l’homme, du point de vue moral, doit s’affranchir de toute croyance religieuse et construire son avenir en se fondant sur les seules forces humaines.

Nous retrouvons ici un des sens premiers de l’ensemble nos démarches, dont nous savons qu’une vie entière de travail sur soi suffit à peine à atteindre cette ultime Liberté.

Nous reconnaissons bien comme imprescriptible et universel, le droit à la vie et à la Liberté. Tout « ordre politique », selon la terminologie de Locke et de Hume, doit en priorité faire respecter ces droits assortis des obligations qui leur incombent.

Pour illustrer ces propos on peut noter que chez Sartre l’humanisme est la condition humaine telle que l’homme, par l’exercice de sa liberté, est en morale son propre législateur qui, « à la fois sans appui et sans secours est condamné à chaque instant a inventer l’homme, et par chacun de ses actes, tous exemplaires, engage l’humanité toute entière. »

L’existentialisme de Sartre est un humanisme qui convient parfaitement à cet engagement que nous connaissons bien de travailler aux progrès de l’humanité.

Cette notion d ‘humanisme semble donc faire l’objet d’une certaine continuité dans la culture occidentale ; de Protagoras à F.C Schiller d ‘Oxford (1901) par exemple, on retrouve l’idée selon laquelle « l’homme est la mesure de toute chose ».

Un examen plus attentif, nous amène à voir comment l’humanisme a évolué, comment il s’est en fait transformé au cours des deux derniers siècles et à s’interroger sur ce qu’il en reste. L’évolution actuelle du monde nous impose de nous poser la question sur ce que cet humanisme devient au XXIème siècle.

Ce qui revient en dernière analyse à se poser la question de la liberté de l ‘homme à l’avenir.

L’humanisme libéral et l ‘humanisme social.

Au cours du XIXème et XXème siècle se sont développés deux courants complémentaires parallèlement au développement de l’industrie et du commerce.

Le premier est l’humanisme libéral.
L’homme étant premier, l’humanisme libéral plaide en faveur du droit de l’individu à la liberté dans tous les domaines : chacun doit pouvoir exercer son libre arbitre en politique, en art, en économie, penser par lui-même, ce qui se traduit par un progrès en tout et pour tous. On pourrait dire en simplifiant qu’il s’agit du Libéralisme tout court.

Le second courant est celui de l’humanisme social.

Au cours des deux derniers siècles, l’humanisme a acquis une crédibilité sociale et une force politique croissante. Ceci se traduit en socialisme d’une part et en humanisme évolutionniste. Ces deux courant comme le libéralisme reconnaissent que l’expérience humaine, sans référence à un code de la loi divine, est la source ultime du sens d’une société et de l’autorité qui la gouverne.

L’humanisme social se concentre non plus sur les seuls intérêts individuels pour se concentrer sur ce que les autres ressentent et sur l’influence que chacun peut exercer sur la vie des autres. C’est en quelque sorte la pensée de « Tout est UN ». Chacun donne aux besoins et expériences des autres la priorité sur ses propres désirs. On assiste alors à une mise en place de robustes institutions collectives, partis, syndicats qui visent à déchiffrer le monde pour nous.

Indiquons brièvement que de 1914 à 1945 s ‘est développé la doctrine Nazie misant sur l’inégalité des hommes et le primat de la race aryenne, seule capable de procéder à une sélection naturelle d’une race pure. A ce sinistre courant on a donné le nom « d’humanisme évolutionniste. »

Comme chacun sait la défaite du nazisme a laissé place en même temps à l’humanisme social, et au libéralisme économique et l’on pourrait parler d’une suprématie en Europe d’une « démocratie libérale » ; je dis en Europe, car sur 130 pays en 1070 seuls trente étaient des démocraties. Les crises économiques aidant, on assiste dans le monde à un renouveau de mouvements dictatoriaux dotés du qualificatif « d ‘extrême droite. » « de populisme ».

En conclusion de cette évolution on pourrait dire que l’on assiste à un doux mélange de libéralisme outrancier sur le plan économique doublé d’une mentalité jacobinisme d’état providence en voie de disparition… c’est le refrain du monde de l’Ubris et du monde en perdition. Chacun se fera son opinion avec sa conscience propre… Le tout étant assez confus et dominé par l’idée que la planète se met en danger tant pas l’activité destructrice de l’homme que par des changements de climats naturels.

Qu’arrive-t-il donc à l’humanisme dans un monde d’expansion des algorithmes ?

Il semble avéré que les algorithmes envahissent à la fois la vie public et la vie privée intervenant dans tous les domaines de la vie publique et la vie privée. On peut escompter qu’à terme cela se traduise par la disparition de toute prétention humaniste. Quelle en est l’idée motrice ?

L’idée première est que l’intelligence est humaine est limitée, et lente, et que l’algorithme pense plus vite et produit en masse avec une grande sûreté.

Dépassant l’humain il est tentant de supposer que les algorithmes
réduisent le libre arbitre du citoyen et du consommateur via toute la technologie de l’informatique et peut être même aurons-nous droit à une puce dans le cerveau ?
On peut aussi imaginer qu’une telle technologie déjoue les marchés financiers, dépasse les chercheurs, manipule nos dirigeants, et développe des armes dont on ne pourra pas comprendre le fonctionnement. Ce type de technologie pourrait évoluer rapidement et dépasser l’humanité ».

Cette idée d’une « super intelligence » est celle d’informaticiens de silicone valley : c’est l’idée « d ‘un tout internet » à terme, « l’internet de tous les objets ». la liberté de l’information recommandera : « écoutez vos algorithmes, ils connaissent vos sentiments. Exit la vertu de l’homme pensant par lui-même enrichissant l’autre par ses efforts individuels ; l’engouement pour les Smartphones accélère le processus et malheur aux réfractaires !

Mais cette intelligence fruit d’une technologie galopante se développe sans garde fous, sans réglementations aucune, et elle est en quelque sorte « découplée »de toute culture, de toute particularité du cerveau humain traditionnel, puisqu’elle a comme intention de le transformer en « surhomme » : proposé comme une aide et une facilitation, de fait elle élimine « la masse devenue intitule »puisque tout est machine remplaçant l ‘homme elle élimine la culture devenue inutile, peu attrayante. Pire encore elle se développe donc sans conscience. On se souvient de Rabelais peut être, qui mettait en garde contre le danger d’une une « science sans conscience ». Et c ‘était au XVIème siècle !

Est ce que cette tendance de ce « techno humaniste » visant un « homme augmenté » ne ressemble pas au fond au rêve de Hitler réduisant le monde au seul monde aryen vieux rêve de l’humanisme évolutionniste que nous avons évoqué », on en connaît le prix payer. Au total un monde réduit à une fraction de l’humanité sujette à un « hubris » démesuré ?

Je ne fais que poser ici le plus simplement possible le problème de notre devenir : jusqu’où peut-on aller trop loin ? Je ne connais pas de solution, Le monde évolue, je ne m’y oppose pas, mais je ne crois que trop aux réflexions collectives. Pour que l’homme reste « la mesure de toute chose. »et qu’il reste maître de sa destinée.

Je finirai enfin aussi par poser l’ultime question du devenir de la maçonnerie dont l’ultime but, rappelons-le, est de contribuer à la société de demain par l’amélioration de soi-même. Qu‘en est-il de ce vœux pieux ?