Juin-juillet 2020, le bilan : trois points d’actualité.
Samedi 15 août 2020, par
L’été se prête aux lentes réflexions sur des événements politiques majeurs qui ont marqué la période pré-estivale (du moins avant juillet), en dehors de la fièvre de la rentrée automnale, où souvent, les événements sont trop nombreux pour qu’on puisse y réfléchir vraiment.
J’ai choisi trois thèmes d’actualité qui ont marqué notre début d’été et laissent en suspens, certaines questions importantes.
En cette période marquée par trois événements majeurs : le déconfinement avec la menace d’un nouveau, dans un contexte particulier mais aussi de bilan des dégâts, les élections municipales dont l’issue s’est décidé pour beaucoup en juin dernier avec une conclusion surprenante et pour finir, le remaniement ministériel de ce mois de juillet. De nouvelles questions commencent à se faire jour suivant les déclarations des uns et des autres, ministres comme maires de communes, fraîchement élus ou renouvelés.
Tous les français attendaient les déclarations du premier ministre puisque ces dernières marquent le coup des politiques à venir. Et même si on peut s’attendre à une certaine continuité dans ce qui était déjà amorcé, moyennant un contexte particulier et de profondes remises en question, on est en droit d’espérer néanmoins à un changement de cap important ou non mais bien effectif de la politique que va mener le gouvernement.
– On attendait tous les déclarations de Jean Castex , issu de la droite gaulliste au sujet des politiques industrielles à suivre.
En effet, la personnalité et les affinités de ce dernier sont très différentes de celles du premier ministre précédent.
Cela laisse augurer des modifications de la perception que celui-ci a des entreprises : peut-être pourrait-il porter davantage d’attention aux petites et moyennes entreprises, sachant que pour elles les enjeux se trouvent revivifiés par le défi de survivre et de continuer leur activité malgré les problèmes liés aux presque trois mois de confinement.
C’est d’abord là que se situent les enjeux liés à l’emploi.
On est ainsi en droit de s’attendre à davantage de clémence et d’attention et pourquoi pas à une amorce du basculement que nous attendons tous, vers un nouveau paradigme qui mettrait d’abord en avant notre vrai potentiel productif des territoires, en lieu et place de la gouvernance des multinationales dans notre pays.
Ainsi, le nouveau gouvernement, placé au cœur d’un paysage qui a mis en avant un mouvement politique jusqu’ici inconnu au bataillon, âpre à s’attirer les soutiens de la classe politique toute entière quelle qu’elle soit, pourvu qu’elle coopère, trouverait son compte dans l’étrange faculté d’opérer un pied de nez à l’histoire en mettant enfin en place le programme prévu par le Général de Gaulle et ses assistants dans les années 60, juste avant qu’il parte du pouvoir, avec notamment la participation dans l’entreprise.
Cela est un peu réducteur certes, les politiques industrielles et économiques qui doivent accompagner la mise en œuvre de cet objectif, sont nombreuses et doivent être pensées dans une logique d’ensemble et à long terme, mais cela ferait beaucoup avancer la marche vers un destin commun de millions de salariés et de milliers d’entreprises ensemble, et non pas en perpétuel état de dualité.
De quoi défigurer la fameuse « fracture » citée par un autre politique se revendiquant de la même école de pensée au temps où il fut président, Jacques Chirac. C’est lui qui lança cette formule, et sans jamais avoir su réellement nous en guérir, il a du moins eu le mérite de donner un nom à ce fameux mal français qui nous divise et empêche toute évolution.
Bien évidemment, la période est propice aux remises en questions et la formule selon laquelle nous devons modifier notre stratégie industrielle pour être moins dépendants de nos partenaires extérieurs, appropriée. Il va falloir produire français et acheter français. Mais cette tendance se profilait déjà depuis longtemps, n’étant pas l’exclusivité du rassemblement national.
L’idée est déjà prônée par Arnaud Montebourg ministre de l’économie et des finances juste après le début du mandat François Hollande.
Elle a du moins le mérite de s’affirmer peut être davantage, mais celle-ci ne saurait fonctionner pour relancer notre potentiel productif et nous rendre notre souveraineté économique et financière, sans d’abord un rapport privilégié aux PME/TPE, à leur financement, à leur pérennité et aux facilités qu’on va leur octroyer en matière d’accès aux marchés, (qui ne seront pas coupés de l’extérieur), et entre autres, aux marchés publics.
Il va de soi que sans une bonne réforme, d’abord des marchés publics, qui devraient pouvoir s’ouvrir, à des groupements de petites et moyennes d’entreprise travaillant sur le même créneau, armées de coopératives d’achat et d’utilisation des matériels pour remplacer les gros oligopoles qui jusqu’ici se partageaient à quatre ou cinq les grands chantiers de l’Etat ou des collectivités locales, que ce soit chez nous ou à l’étranger on ne pourra rien faire.
Or, le savoir-faire français peut s’exporter autrement que par ces faux représentants d’une économie saine.
Mais pour cela, il faut réformer le code des marchés publics.
Ce serait un beau cadeau à faire aux petites et moyennes entreprises, celles-ci ne tarderaient pas à s’organiser pour justement créer entre elles cette coopération-complémentarisation dans le domaine de l’investissement en machines lourdes, de gros investissements qui partagés à plusieurs, mettraient fin au règne des marchés incontestables de fait.
Ce cadeau amorcé dans le secteur public, ne tarderait pas à rayonner et à porter ses fruits dans un secteur privé qui ne demande qu’à faire vivre ceux qui ont juste ici ont été les moins enfants gâtés d’un système qui depuis presque 50 ans, nous balade sans cesse, entre problématiques économiques (dette, chômage, déficit), pour finir éternellement par reproduire du profit qui sera partagé non pas en France, mais bien à l’étranger, et s’empressera de s’engouffrer rapidement dans paradis fiscaux et autres achats d’actions et de produits financiers permettant de faire bouger l’économie à leur guise, ne se souciant pas des vrai problèmes mais uniquement de la perpétuation de leurs privilèges à l’infini.
En cassant ce cycle infernal, de reproduction de l’argent sale (parce qu’il pollue, acculture nos sociétés et laisse nos territoires de côté), le gouvernement jouerait là un joker bien plus réjouissant que celui du rachat de ses créances et de son patrimoine par les même.
Suivant la fameuse formule de Marcel Gauchet d’un « Malheur français » lié à notre manque de confiance en nous ou encore celle de Marc Bloch (« L’étrange défaite »), il romprait ainsi avec une fatalité qui aujourd’hui, maintenant que nous avons épuisé toutes nos cartes, nous voue à l’extinction.
Car les milliards, c’est bien et les 100 milliards annoncés dont 40 milliards réservés à la reconversion industrielle aussi, mais si et seulement si ces derniers sont utilisés pour notre potentiel productif et pour que nos petits entrepreneurs prennent le dessus sur leurs concurrents, véritables dinosaures voués à la disparition si on ne veut pas se retrouver sur une terre où il n’y aurait plus qu’eux.
Même chose pour l’attractivité des territoires, qui ne peuvent pas fonctionner sans que les problématiques rurales, paysagères ou urbaines se doublent toutes d’une réflexion sur la place de nos industries.
On les rêve, dès et partout que cela est possible, sous la forme de SCOP, et lorsque le cas se présente, avec des économies d’échelle prises en charge de manière mutualiste et coopérative entre entreprises d’un même secteur similaires ou complémentaires sur un territoire donné.
Voilà ici esquissée, la physiologie des pôles industriels et compétitifs de demain avec ses clusters animés par la même fièvre environnementale.
Cela n’empêche pas l’innovation ni la survivance des entreprises françaises qui ont fait leurs preuves.
– On s’attardera à une autre problématique consistant à critiquer cependant fortement les hésitations et doutes du nouveau premier ministre devant les agissements de certains, cherchant à profiter de la situation financière difficile dans laquelle nous a plongés le COVID, pour chercher à se faire racheter leurs dettes envers l’Etat, liés à des malversations financières à bon compte aux dépens de l’Etat lui-même. En laissant ses créances envers Bernard Tapie suite au fameux procès, se faire racheter une bouchée de pain pour le plaisir du court terme, Jean Castex aurait bien tort de brader nos créances envers n’importe qui, laissant ainsi l’Etat souffrir d’une diminution de ses avoirs importante, dans la fièvre de l’instant.
Le court terme n’est jamais bon en politique, sauf lorsqu’il s’agit de sauver des vies ou notre territoire, ce qui ici n’est pas le cas.
Ce serait plutôt commencer à brader la France, comme on a laissé brader la Grèce en son temps, lorsque celle-ci faisait face à des difficultés financières importantes. Aujourd’hui ses dettes ne sont pas réglées, son activité économique fortement compromise et ses avoirs et patrimoine plus de de sa propriété. C’est ce qui s’appelle vider un pays de sa substantifique essence, sans lui donner jamais de chance de se relever. Or, n’oublions pas que nous avons des ennemis ancestraux qui ne cherchent qu’à s’approprier nos avoirs, notre prestige (qui est en passe de ne devenir qu’un pâle fantôme), notre rôle en matière de dissuasion nucléaire. Ainsi, sous couvert de coopération militaire, le Traité d’Aix la Chapelle a t’il commencé le lent travail de démantelage de nos prérogatives dans ce domaine, en suggérant que l’Allemagne puisse parfois nous remplacer au conseil de sécurité, à notre place de membre permanent comme chef de la défense européenne à venir. Et quoi ? On commencerait avec notre tout petit pays, en se saisissant d’un de ses rares privilèges afin de le faire taire d’abord en défense puis en économie ? Alors, n’allons pas au Mont de piété.
– Enfin, une trouvaille intéressante et cette fois ci, émanant des communes, dernier rempart contre le monolithisme des décisions venues du haut est à étudier de près car elle est intéressante.
Ces solutions montrent à quel point, les collectivités locales sont, maintenant qu’elles sont devenues plus autonomes et davantage sollicitées dans le cadre des trois associations (ACF, ADF, ARF) peuvent apporter un plus à l’évolution de nos aménagements territoriaux et de nos politiques publiques. L’Etat ferait bien de s’y pencher. Cette fois-ci, c’est justement un sujet crucial, celui de la sécurité, qu’on voudrait ne pas être récupéré par le rassemblement national qui est en jeu, c’est dire si à la veille des pourparlers sur la loi 3 D , la proposition de certains maires de France (Reims, Nice, Toulouse) (1) arrive à point nommé pour montrer que les collectivités locales peuvent participer à la gouvernance de notre Nation et au renouvellement de notre république.
Il en est ainsi du livre blanc de la police municipale co-écrit par Christian Estrosi, Arnaud Robinet et Jean Luc Moudenc (respectivement maires de Nice, Reims et Toulouse). Ce dernier demande des pouvoirs plus élargis aux services de police municipaux (accès direct à certains fichiers dont celui des immatriculations, possibilité d’effectuer un contrôle d’identité et non plus un relevé d’identité de remplir des missions de police de la route et d’être pleinement associé dans la forfaitisation d’usage de stupéfiants dont Reims est pilote) et une coopération plus étroite entre services de police municipaux et police nationale. Un commissariat nouvelle génération est à venir à Reims, sorte de commissariat mixte afin que la police municipale retrouve cette notion de proximité dans les quartiers, être au contact de la population, et notamment de la jeunesse. Et la police nationale étant la seule à pouvoir recevoir des dépôts de plainte, cette complémentarité pourrait être une solution pour combler les manques d’effectif de la police nationale. A Nice et à Reims, les maires ont beaucoup investi dans leurs polices municipales (doublement des effectifs, élargissement de la vidéo-protection, nouvel hôtel de police municipale). On se servirait ainsi de l’article 72-4 de la constitution française (et des articles LO1113-1,LO1113-2, LO1113-3, LO1113-4, LO1113-5, LO1113-6, LO1113-7 du CGCT) pour mettre en place une expérimentation visant également à augmenter la coopération avec la société civile, notamment les bailleurs sociaux (immeubles) ainsi qu’un partenariat avec le secteur privé (surveillance, maîtres-chiens), en partenariat avec l’Etat.
Cette innovation pourrait porter ses fruits en matière d’augmentation de la sécurité en milieu urbain sur une période de cinq à sept ans.
Cette période transitoire verrait considérablement augmenter la sécurité dans les villes et susciterait de nouvelles coutumes et une nouvelle déontologie et pratiques (coopération avec l’extérieur ou bien coopération -mutualisation avec la police nationale), proximité avec les habitants et la société civile, code de bonnes pratiques. Les policiers municipaux se verraient appliquer le même code de déontologie que les policiers nationaux, pour tendre, par un mécanisme progressif vers un code commun.
Cette méthode qui convient très bien au cadre « expérimentation » qui a une durée de cinq ans et plus mais peut être étendu dans la durée ou l’espace selon les termes de l’ article LO1113-6 du CGCT, s’inscrirait non pas dans une logique de différenciation territoriale comme beaucoup le préconisent aujourd’hui mais devrait plutôt être perçu comme une pratique visant à s’étendre progressivement à tout le territoire français pour constituer ensuite un fond suffisamment élaboré pour redevenir une prérogative du pouvoir central (gouvernance étatique, monopole de la coercition légitime), après cette étape de nouvelles pratiques. C’est du moins ce que je préconise de mon côté.
(1) Renseignements pris dans un article de l’Union 27 juillet 2020) Reims. « Le maire plaide pour qu’à Reims aussi la police municipale ait plus de pouvoir ». par Aurélie Beaussart.