Et si on revenait à la surface ?

Et si on revenait à la surface ?

Dimanche 10 octobre 2021, par André Bellon

A propos des sous-marins

La rupture par l’Australie, sous pression américaine, du contrat relatif à la livraison des sous-marins n’est pas seulement une affaire commerciale, certes extravagante.

Elle est la révélation d’une crise idéologique et géopolitique profonde. Le libre jeu du marché, censé définir le bonheur universel, révèle enfin sa nature de simple slogan instrumentalisé par les logiques d’intérêts, en premier lieu ceux des États-Unis. Ces derniers, tout en se posant en champions de la libre concurrence, développent tout un attirail de mesures telles que l’extraterritorialité, permettant de sanctionner les entreprises qui ne respectent pas leurs choix unilatéraux (Iran, Cuba, Soudan, etc.). Alors qu’ils ripostent contre toute entreprise qui s’approche d’une entité américaine touchant à leur sécurité nationale, la France ne dispose pas de mécanismes de défense de ses industries. C’est une des causes de graves difficultés qui ont touché des entreprises françaises telles qu’Alstom ou des banques telles que la Société générale. Le commerce et le système financier n’étaient donc que le nom moderne des relations internationales, l’espace où se jouent les affrontements internationaux.

Mais la crise des sous-marins devant être fabriqués pour l’Australie est encore plus que cela. Après la déroute afghane, les équilibres géopolitiques volent en éclat. Les États-Unis ne font plus semblant et affirment sans tenir compte d’aucune règle théorique ce qu’ils pensent être leurs intérêts immédiats. Ils manifestent leur inquiétude en cherchant à construire une muraille face à une Chine perçue comme l’adversaire principal. Il s’agit là d’une attitude défensive, bétonnant un espace en réponse à la quasi disparition de l’influence anglo-saxonne dans l’espace central (Afghanistan, Iran, Irak, Syrie) suite à des interventions absurdes. C’est toute la mondialisation qui est en crise.

Conséquence collatérale, la France, pourtant alliée, est insultée et même méprisée lorsque le secrétaire d’État Antony Blinken, prétend calmer le jeu en déclarant que « la France est un partenaire vital ». Avec des alliés comme ceux-là, on n’a pas besoin d’adversaires. Tout cela fait quelque peu panique improvisée.

Quelle attitude pour la France ? La question n’est pas simple après des années de démission, de renoncement, d’acceptation d’un discours d’aliénation. Fallait-il, au nom des alliances, accepter tous les diktats, traiter la Russie avec désinvolture comme François Hollande, intervenir stupidement en Libye avec Nicolas Sarkozy, signer le traité de Lisbonne qui, insultant le peuple français, encadre encore plus la voix de la France ? Faut-il accepter que l’Union européenne participe à la stratégie indo-pacifique qui n’est qu’une nouvelle extension de l’Otan, accepter l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et l’Australie alors même que l’Australie vient de poignarder la France ? Le rappel des ambassadeurs à Camberra et à Washington était la moindre des choses. Quelles conséquences désormais ?

Toutes ces questions sont aujourd’hui enfin sur la table. La France n’a cessé, depuis des décennies, de s’incliner au nom d’une mondialisation qui n’est que la cache sexe d’intérêts qui s’affirment sans pudeur. Elle n’a cessé de démissionner, sans véritable contrepartie, au nom de la construction européenne. La question de la souveraineté n’est pas abstraite et aussi bien l’Allemagne, l’Angleterre, les Etats-Unis, savent affirmer et défendre leurs intérêts. Emanuel macron n’a, comme réponse jusqu’alors que ce leitmotiv bizarre qui s’appelle « la souveraineté européenne ». Souveraineté pour qui et contre qui ? De même, l’idée se répand, une fois de plus, de « défense européenne ». Défense contre qui et pour quoi ? A moins que ce ne soit la dilution de la capacité de défense française, ce qui ferait écho à la rupture de contrat qui vient de se produire. Certes, le sommet européen affirme sa solidarité avec la France, mais quelle conséquence concrète au-delà des paroles verbales ?

Toutes ces questions sont aujourd’hui sur la table. La souveraineté n’est pas un concept de rêve. Elle est un vécu pour des millions de citoyens, pour leur emploi, pour leur vie quotidienne, tout simplement pour affirmer leur citoyenneté. Elle ne doit pas être un enfermement ou un repli, mais au contraire une aspiration à participer à un monde en mutation profonde. Devant les choix que cela implique, les citoyens français ont droit à la parole et, devant les défis auxquels le pays doit faire face, exigent d’affirmer leur souveraineté.

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