Grèce : ils ne se cachent plus…
Samedi 12 novembre 2011, par
Dès juin dernier [1], la formation d’un gouvernement d’« union nationale » avait été évoquée par Georges Papandréou, président de l’Internationale « socialiste ». La fourberie de ce dernier a atteint le sommet de l’Olympe avec l’épisode du référendum. Sa détestable manœuvre a tout d’abord consisté à éteindre la situation prérévolutionnaire qui a suivi la journée du 28 octobre, jour de la fête nationale, voyant le président Papoulias fuir sans prononcer son discours face à la colère du Peuple grec. Cherchant ensuite une issue politique, sa manipulation avait comme objectif de faire pression sur la « Nouvelle Démocratie » (UMP grec) pour amener les dirigeants de ce parti à faire tomber les masques en acceptant ce gouvernement d’« union nationale » dont les deux principaux objectifs sont de maintenir la Grèce dans la zone euro et d’accepter le dernier diktat de la Troïka.
« L’application des décisions du 26 octobre est inévitable » a déclaré cette semaine Antonis Samaras, président de ND et ancien camarade de dortoir de Georges Papandréou durant leurs études communes à Amherst College aux U.S.A . Après la dernière débâcle électorale, il n’a cessé pendant deux ans de s’opposer à la cure d’austérité administrée aux Grecs par le gouvernement « socialiste », l’Union européenne et le FMI. Pur jeu politicien reposant sur l’idée que l’alternance habituelle entre les deux principales formations politiques grecques continuera lors des prochaines échéances électorales… L’un des seuls aspects positifs dans ce jeu indigne et irresponsable, est le fait que dans l’esprit du Peuple grec, le Pasok et la ND ne font plus qu’un…pour ceux qui n’avaient pas encore compris !
Progressivement, la perception des Grecs sur l’U.E. se modifie… Comme Sisyphe, condamné à faire rouler une énorme pierre jusqu’en haut d’une montagne, encore et toujours, le Peuple grec subit l’euro. L’U.E., avec à sa tête l’Allemagne, a exercé une énorme pression sur la Grèce pour qu’Athènes instaure rapidement un gouvernement d’« union nationale ». Qu’un retraité grec, dont le montant de la pension mensuelle s’élevant à 360,80 euros, brûle le drapeau de l’U.E., ne relève pas de l’anecdote. Un pas décisif sera franchi lorsque la majorité de la population aura connaissance de l’article 123 du Traité de Lisbonne. Mais, il faut du temps pour quitter le monde des bisounours et comprendre que l’Europe n’est pas un rêve, mais du réel [2]…
Cette triste réalité, à savoir que l’U.E., structure essentielle dans l’organigramme de la mondialisation capitaliste, a été élaborée depuis toujours pour être à la solde des multinationales, des affairistes et des banquiers. La nomination de Lucas Papademos à la tête du nouveau gouvernement grec en est la parfaite illustration. Le C.V. de celui-ci est sans ambiguïté : diplôme d’économiste à l’université du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ; début de sa carrière professionnelle à la Banque de la Réserve fédérale de Boston ; gouverneur de la Banque centrale de Grèce entre 1994 et 2002, principal artisan du passage de la drachme à l’euro ; ancien vice-président de la BCE.
Dans son gouvernement, le « socialiste » Evangélos Vénizelos garde le ministère des Finances, tandis que les Affaires Etrangères échoient à l’un des ténors de la ND, l’ex-Commissaire européen Stavros Dimas qui avait négocié l’entrée du pays dans l’Empire européen. Celui-ci avait commencé sa carrière professionnelle à la Banque Mondiale et connaît donc parfaitement le programme d’« ajustement structurel ».
Fait encore plus marquant et inquiétant, la nouvelle équipe gouvernementale voit l’entrée d’un membre du Laos (Alerte orthodoxe populaire), formation d’extrême-droite, une première depuis la chute de la dictature des colonels. En effet, Makis Voridis, issu de l’organisation de jeunesse du parti juntiste et longtemps proche du Front national de Jean-Marie Le Pen, a été nommé ministre des Transports. La crainte d’une action de l’armée a été ravivée par le changement de tout l’état-major militaire le 1er novembre par Papandréou.
Signalons également l’intervention dimanche dernier dans le débat publique du clergé orthodoxe grec avec son appel à l’« union nationale », demandant aux « forces politiques d’accomplir leur devoir national ». Il s’agit pour celui-ci de conserver ses privilèges exorbitants bien évidemment…
Une partie de la population grecque a parfaitement compris que leur magnifique pays constitue la première étape d’un long processus débouchant à l’asservissement des peuples en Europe. La résistance des communistes et des indignés grecs est héroïque et acharnée, s’inspirant d’une certaine façon de Robespierre et de l’article 29 présent dans son projet de déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Lorsque le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ». Attacher profondément à la souveraineté populaire, le Peuple grec est très loin d’avoir dit son dernier mot.
André Bellon, dans son dernier ouvrage, Ceci n’est pas une dictature, rappelle que pour le philosophe Alain, « Penser, c’est dire non ». Le Peuple grec, avec de plus en plus de courage, clame haut et fort : ΟΧΙ !
Primidi 21 Brumaire an CCXX