VERS LA CONFUSION DES POUVOIRS

VERS LA CONFUSION DES POUVOIRS

Vendredi 27 décembre 2019, par Etienne Tarride

Une polémique est ouverte dans les milieux judiciaires qui concerne à la fois le Président de l’Assemblée Nationale, un magistrat important et l’ONG « Anticor ». Elle se résume assez facilement. Le magistrat en cause fait l’objet d’une investigation disciplinaire pour être intervenu dans ce dossier alors qu’il est membre d’« Anticor », partie civile et initiatrice de l’action.

Des juristes reconnus ont estimé que ces investigations disciplinaires étaient condamnables. Ils considèrent que les magistrats ne doivent plus se soumettre à la règle qu’ils attribuent à Napoléon, qui leur enjoint d’appliquer la loi et de se limiter à ce rôle. Ils estiment que les juges ont pour fonction de pallier les insuffisances de la Loi et les carences des pouvoirs législatif et exécutif. Dans le cas particulier de Monsieur Richard Ferrand ils estiment naturels que les Juges portent un jugement moral au-delà de la seule application de la loi.

Cette vision est particulièrement préoccupante. Elle fait litière d’un principe fondamental. Toute personne poursuivie a le droit d’être entendue par des Juges impartiaux. Les Juristes qui volent au secours du magistrat en cause ne s’étonnent pas un instant qu’un magistrat membre d’une association partie au procès puisse être tenu pour partial. Sans doute nous diront-ils que l’impartialité se mesure très difficilement. En l’espèce, la partialité est indiscutable et surtout revendiquée.

Il serait intéressant de demander à chacun des signataires de l’appel en faveur du Magistrat adhérent à « Anticor » s’il lui serait agréable d’être un jour jugé lui –même, on ne sait jamais, par un ou des magistrats militant dans une ou des associations radicalement hostiles à ses opinions. Nous ne pensons pas pour notre part que ce soient toujours les gentils qui jugent les méchants.

Plus généralement, il est préoccupant que des praticiens du droit puissent soutenir qu’au-delà de la loi, des juges puissent et même doivent obéir à des opinions personnelles. Il s’agit en fait d’une inversion profonde du système tel qu’il doit fonctionner. La conviction précède le débat. Les Juges doivent asseoir leur conviction puis entendre les parties, on ne sait d’ailleurs pas trop pourquoi. Ils ne sont pas limités pat la Loi, ils ont toute liberté pour édicter eux-mêmes les Lois qu’ils vont appliquer.

Cette idée à un nom. Il s’agit du gouvernement des Juges. Prétendre qu’il s’agit du sommet de la Démocratie est audacieux.

Etienne Tarride

Avocat honoraire